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LE VOTE DE L’ALSACE

Un journal de Hambourg écrivait le 30 octobre dernier : « Les élections en Alsace-Lorraine vont nous donner des indications intéressantes. La France et l’Allemagne ne cesseront de se disputer l’âme de l’Alsace. Cette lutte doit se faire avec les armes de l’esprit et du cœur. Nous prévoyons que c’est l’Allemagne qui l’emportera. » Maintenant que l’Alsace et la Lorraine ont voté, j’aime à croire que le journal hambourgeois est servi, voire à souhait, et que l’Allemagne fera son profit de la haute leçon qui se dégage nettement de nos élections.

En effet, ces élections constituent le meilleur plébiscite qu’on puisse imaginer. Je sais bien que le plébiscite était fait depuis longtemps et que l’Alsace pouvait se dispenser de le renouveler. Les grandes manifestations populaires qui s’étaient produites spontanément dans nos provinces libérées lors de l’entrée des troupes françaises et qui se renouvelèrent le 9 décembre 1918 à l’occasion de la visite, dite des Quatre Présidents, avaient permis à M. Léon Ungemach, maire de Strasbourg, de dire à M. le Président de la République : « Pour tous ceux qui assistent à l’inoubliable spectacle que présente Strasbourg en ce jour solennel, les paroles étaient superflues. Vous avez vu la foule, vous avez entendu ses acclamations : le plébiscite, le voilà, éclatant, irrésistible. » Et c’était vrai. Mais comment l’Allemagne interpréta-t-elle ce premier plébiscite ? Ses journalistes affirmèrent sans rire que le gouvernement français avait versé vingt millions de francs à la presse alsacienne, pour « arranger » ces manifestations ! Sans me préoccuper autrement du jugement que les mêmes gazettes porteront sur le scrutin du 16 novembre 1919, j’essaierai de dire ici comment nos élections se sont passées.