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des quatre piquiers, dans l’hôtel du capitaine, pour recevoir, de ses mains, l’étendard lamé d’orange et d’azur qui doit précéder la troupe. Voici, même, Franz Banning Cocq, ceint de l’écharpe militaire, au bas du perron ; il s’avance sur le pont inondé de lumière, avec son lieutenant auquel il « donne l’ordre de faire avancer sa troupe » et qui vient de frapper le sol avec son esponton.

Jan Cornelis Vischer, le porte-enseigne, apparaît sur les marches entre ses piquiers, fort empêtrés dans la manœuvre de leurs armes, plus longues que la hauteur du grand portail. L’étendard se déploie ; van Kamboort, le tambour, bat aux champs, tandis que les caporaux déchargent leurs mousquets et que les volontaires reprennent leurs piques, sans grande hâte, pour suivre l’ordre et le mouvement. L’autre sergent, qui porte, à l’ordonnance, sa hallebarde sur l’épaule et le fer en avant, montre à ses hommes la direction de la Bergstraat, par où doit s’écouler la troupe. Des deux gamins qui sont venus avec leur père, l’un prend les devants, en emportant sa corne à poudre ; l’autre, tout petit, se dresse sur ses ergots, pour dépasser du nez le parapet et apercevoir quelque chose.

Tout cela, hormis les contrastes réels de la lumière et la magie de l’heure, c’est le spectacle de tous les soirs ; rien n’est plus usuel, plus véridique ni plus banal, et ne justifierait les impressions de fantasmagorie et de phosphorescence qui ont inquiété Fromentin.

C’est qu’il y a vu « une figure épisodique qui, jusqu’ici, a déjoué toutes les conjectures, parce qu’elle semble personnifier dans ses traits, sa mise, son éclat bizarre et son peu d’à-propos, la magie, le sens romanesque ou, si l’on veut, les contre-sens du tableau ; je veux parler de cette petite personne à mine de sorcière, enfantine et vieillotte, avec sa coiffure en comète, sa chevelure emperlée, qui se glisse, on ne sait trop pourquoi, entre les jambes des gardes, et qui, détail non moins inexplicable, porte, pendu à sa ceinture, un coq blanc qu’on prendrait à la rigueur pour une escarcelle. »

Tout cela est rigoureusement observé et évoque en des mots formant image, la vision falote qui illumine le second plan du tableau, mais n’a rien de mystérieux si l’on examine mieux encore cette figure, en laissant parler Fromentin, qui la suit d’un crayon attentif ; (tout en remarquant que ce coq rappelle,