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se prétendaient les représentants de la vérité, de la justice et de la morale ! Elles se posaient en défenseurs du droit des peuples, ces Universités qui ont entretenu, développé, généralisé et surexcité dans toute l’Allemagne, la mentalité de proie de la Prusse et des Hohenzollern. Jamais on ne dépassera cette profondeur dans l’hypocrisie et l’inconscience. C’est bien l’ « Eternelle Allemagne. »

Cependant l’Allemagne attendait le résultat de ses contre-propositions et l’approche de la décision amenait du flottement. Si Ebert continuait à pérorer avec incontinence, ce que la presse commençait à trouver abusif, les ministres devenaient plus réservés, et mettaient une sourdine à leurs vitupérations. Le 22 mai, Scheidemann prononçait, en recevant une manifestatation, un discours où, pour la première fois, il demeurait dans le vague, sans articuler un seul mot irréparable ou définitif. Le capitaine de vaisseau Persius attaquait Brockdorff-Rantzau pour son projet de société des nations, qu’il trouvait hypocrite et marqué au coin des anciennes formules où l’on dissimulait les plus énormes armements sous des arguments pacifiques.

Le 22 mai, un cortège considérable parcourait la ville en demandant la paix et du pain. Une réunion d’ouvriers berlinois votait la paix immédiate. Les alliés n’avaient pas besoin en effet d’occuper toute l’Allemagne pour la forcer à signer. Toute demande de modification était un geste inutile, disaient-ils.

Hélas ! Ils se trompaient. Les nouvelles conditions de paix, publiées le 17 juin, allaient leur donner un démenti. Mais si on avait pensé en obtenir de la reconnaissance, on se leurrait étrangement. Toute paix qui ne serait pas la paix blanche ne pouvait les satisfaire, et encore ! Néanmoins, la stupeur dépassa la colère. La note accompagnant la remise du nouveau texte de l’ultimatum imposant le court délai d’acceptation, par son argumentation si énergique et si vraie, les accabla. Sous l’effet de cette « Schimpfkanonade, » cette bordée d’injures, comme ils l’appelèrent, ils tendirent le dos. L’intransigeant organe des démocrates, le Berliner Tageblatt lui-même, battit la chamade ; « Tout homme qui envisage l’avenir, écrivait-il le 18 juin, à la demande brutale s’il faut signer ce traité, ne peut que répondre : non. Mais il appartient à ceux qui ont la responsabilité du calme dans le pays, au moment où nous sommes, de décider si une telle décision peut être prise. Après tant d’années de souffrances,