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la Saxe doit s’agrandir de la région de forêts et de cultures, et la province de Mersebourg (Saxe prussienne) est tout indiquée. Quant aux petits États saxons de Thuringe, leur fusion avec nous est évidemment désirable pour tous. Cette Prusse, continuait le ministre saxon, qui comprend plus des deux tiers de l’Allemagne, n’est plus admissible dans les circonstances actuelles. Aucun pays, ni l’Amérique, ni la Suisse, n’accepterait cette situation. Tout le monde le reconnaît, concluait-il, « voyez plutôt sur le Rhin. » Et, bien évidemment, une fois engagé dans cette voie, le district de Mersebourg n’eût pas calmé des appétits d’ailleurs légitimes, et les souvenirs de 1815 commençaient à être remémorés.

Le Prussien, tout inquiet, disait bien : « Mais prenez donc les provinces allemandes de Bohème. — Ce serait très bien en effet, reprenait le Saxon ; malheureusement, il y a la Conférence de la Paix qui nous gêne de ce côté, tandis qu’elle nous laissera sans doute nous étendre dans le centre de l’Allemagne actuelle. » En désespoir de cause, en face de tous ces rapaces voulant le dévorer, le Prussien proposait alors cette solution élégante : « Vous trouvez, Allemands, que la Prusse a trop de prépondérance dans l’Empire. Soit, nous le reconnaissons. Le remède n’est pas dans l’émiettement. mais bien dans l’unification. Annexez-vous tous à la Prusse. » Et le plus étrange est que ce paradoxe allait devenir une réalité.

Comment put-il en être ainsi ? Comment, sous l’œil bienveillant de l’Entente, cette Allemagne, qui paraissait en voie de décomposition, se transforma-t-elle en ce Reich, un et indivisible, qui reste si menaçant ? Ce fut l’œuvre du militarisme renaissant.

LA RENAISSANCE DU MILITARISME

Un des premiers soucis de l’Assemblée constituante, réunie à Weimar, fut de voter la nouvelle loi militaire.

L’armée se disloquait à mesure qu’elle rentrait dans le pays. Les hommes se dispersaient et regagnaient leurs foyers, la démobilisation avait été décrétée et Ion ne conservait qu’une classe sous les drapeaux, avec tous les nombreux cadres permanents d’officiers et de sous-officiers. Une foule de corps francs avaient été formés par engagement volontaire pour protéger le pays contre les Polonais et les Tchéco-Slovaques, corps