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et des légendes singulièrement tenaces. Les modifications successivement apportées à la composition de la Commune ne changeront rien à ces errements : le désordre et l’incurie démagogique de ces administrateurs novices, leur mépris des formes et les soupçons de prévarication que permet l’immoralité de quelques-uns, rejailliront toujours en harcelantes énigmes sur l’histoire confuse du Temple : c’est par là pourtant que, dès les premiers jours, la Commune du 10 août conquit une part de son étonnant prestige sur le populaire émerveillé de pouvoir se familiariser avec cette puissante machine gouvernementale et pleinement satisfait de la voir activement broyer tout ce qui, jusqu’alors, était réputé intangible et sacré.


La Commune révolutionnaire tenait ses séances dans la grande salle de l’Hôtel de Ville que lui avait abandonnée sans résistance, dans la nuit du 10 août, le Conseil général légal dont il ne sera plus question. Cette pièce « immense » donne par sept fenêtres sur la place de Grève et occupe tout le premier étage du corps central de l’Hôtel de Ville : une monumentale cheminée à chaque extrémité : le portrait de Louis XIV surmonte l’une ; sur l’autre est représenté Louis XV rendant à la Ville de Paris les lettres de noblesse qui lui avaient été retirées. Aux murs, au-dessus des portes, d’autres tableaux où sont figurés les échevins de la Ville prosternés aux pieds des rois. Les bustes de Louis XVI, de Bailly, de Necker et de La Fayette ornent la salle. Dès sa première séance, l’assemblée des sectionnaires, agissant comme si elle était chez elle, s’indigne de la présence de ces effigies provocantes. — Sans attendre les ouvriers qui doivent les descendre, « quarante bras se lèvent aussitôt pour terrasser ces fausses idoles. Elles tombent et sont réduites en poudre aux acclamations des tribunes. » Les tableaux où sont peints « les despotes subalternes de l’Ancien régime » ne sont pas davantage respectés ; le 13, on les enlève « pour les reléguer dans quelque coin obscur de la maison commune. » Un buste de Brutus remplacera avantageusement ces vestiges d’un temps d’esclavage ; quelques semaines plus tard, on placera sur le socle vide du buste de Louis XVI une caisse et un fusil pris aux ennemis par les soldats de Westermann, on suspendra au mur, comme trophée, l’écharpe du collègue Le Meunier, le premier municipal mort dans