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pas que son dernier échec a porté un coup fatal au moral de ses armées, qui croyaient, le 15 juillet, partir à la conquête de la paix ; il ne veut pas le voir ; pour lui, c’est l’intérieur, dont l’esprit est mauvais, qui démoralise les troupes !

Au surplus, l’armée des Alliés ne s’arrête pas, bien au contraire ; elle ne s’arrêtera même plus. Le 8 août, Anglais et Français attaquent l’immense saillant d’Albert-Amiens-Montdidier et le conquièrent en quelques jours. Cette fois, le coup est si fort que Ludendorff en est désarçonné. Il était en Flandre à surveiller les préparatifs de sa quatrième attaque quand la nouvelle lui en parvint. Il rentre aussitôt à Avesnes et pousse ses investigations dans le détail, afin de connaître les raisons d’une défaite contre laquelle il croyait bien s’être prémuni. Il apprend, à côté d’actes héroïques, des défaillances de troupes qui auraient dû lui en dire long sur l’effet moral produit par l’insuccès du 15 juillet. Ses yeux s’ouvrent à demi ; il sent le sol ferme fuir sous lui et offre sa démission. L’Empereur refuse en lui confirmant une confiance qui n’a d’ailleurs jamais été entière.

En tout cas, il ne s’agit plus maintenant d’attaquer : trop heureux, au cas où l’ennemi persisterait dans ses offensives, si, avec les unités destinées à l’attaque, on arrive à résister simplement et à reconstituer quelques-unes des divisions les plus maltraitées.

Mais voici que, dans la deuxième quinzaine d’août, les Anglais étendent leurs assauts depuis Albert jusqu’à la Scarpe en passant par la Somme, et que les Allemands sont rejetés sur les positions d’où ils étaient partis le 21 mars. Encore une fois, leurs pertes sont très sensibles. Donc tous les efforts, tous les sacrifices en hommes et en matériel si prodigalement consentis pendant cinq mois ont été dépensés pour rien ; toutes les espérances sont mortes et l’armée allemande s’en rend compte. Militairement, la guerre ne peut plus être gagnée, si elle n’est perdue. La parole doit passer à la diplomatie. A tout prix, dit le gouvernement qui voit clair ; au moindre prix, mais jamais à un prix inacceptable, dit Ludendorff, dont les yeux ne s’ouvriront jamais entièrement, il faut faire la paix. Il faut d’autant plus faire la paix que l’Autriche, plus frappée encore que les Allemands par les défaites allemandes, se déclare au bout de ses forces, incapable d’entreprendre une nouvelle campagne d’hiver ; elle parle même de paix sans conditions et