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Votre Majesté Impériale se montre fière de sa foi : ne nous sera-t-il donc pas permis de lui rappeler la parole si simple et si décisive de l’Évangile : faites à autrui ce que vous voudriez que l’on vous fît à vous-même ?


Tout de suite après, se retournant vers le peuple belge, et désireux de bien montrer à l’Empereur qu’on ne voulait acheter sa clémence par aucun fléchissement d’énergie, il faisait lire, le 25 février, un mandement qui s’intitulait : Courage, mes frères ! C’était un hymne à la « grandeur morale de la nation qui, le 2 août 1914, n’avait pas voulu qu’on discutât un instant son honneur, et qui depuis trente mois ne s’était jamais laissé aller à dire : c’en est trop : c’en est assez ; » un hymne au « souverain magnanime qui, du banc de sable auquel était réduit son royaume, donnait à la Belgique et au monde l’exemple accompli de l’endurance et de la foi dans l’avenir ; » un hymne aux déportés qui « révélaient un aspect nouveau, inattendu, de l’héroïsme national ; » et puis un hymne à Dieu, à son amour qui prolongeait l’épreuve, et dont le dessein n’était pas encore accompli.

Von Bissing murmura, von der Lancken murmura. « On ne peut pas demander à un pasteur, reprit tranquillement le cardinal, de se désintéresser de son troupeau ; pour juger de la signification et de l’opportunité de ma pastorale, il y a à tenir compte de deux points de vue, celui de l’occupant et celui du pauvre occupé. » Les murmures de von Bissing et de von der Lancken s’arrêtèrent, définitivement impuissants : on renonça même à chercher noise à l’imprimeur. L’Allemagne se sentait dominée par la page immortelle qui du haut des chaires se lisait. On apprit le 9 mars que l’Empereur suspendait les déportations, et que les déportés allaient rentrer : le cardinal avait eu raison de crier : courage ! puisqu’il obtenait, après cinq mois de lutte, qu’une grande iniquité prit fin.


VIII. — UN TRIBUN ECCLÉSIASTIQUE DE L’UNITÉ NATIONALE

Le 18 avril 1917, von Bissing mourait ; en réponse à l’annonce que lui en faisait von der Lancken, le cardinal écrivait ce billet :

Je suis fort sensible à votre prévenante attention et vous en exprime ma reconnaissance.