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accordé au Roi une somme de cinq cent mille livres pour les dépenses de sa maison jusqu’au jour où se réunirait la Convention nationale : c’est sur ce demi-million en expectative qu’étaient imputées les sommes nécessaires à cette installation ; mais comme cette libéralité tardait à se réaliser et que certains des fournisseurs réclamaient paiement, Hue sacrifia six cents livres dont il s’était muni et Pétion fit personnellement l’avance de deux mille livres afin de calmer les plus impatients. D’ailleurs les réclamations des prisonniers paraissent aux Commissaires de la Commune exigences excessives : ces gens du peuple n’imaginent point que les habitudes de la famille royale font à celle-ci une nécessité de ce qui, pour eux, n’est que scandaleuse superfluité : — « il y aurait, a dit Fiévée, un beau livre à faire sur l’inégalité des conditions. » De même les municipaux s’effarent et s’inquiètent des témoignages de respect que reçoivent les détenus de la part des serviteurs fidèles dont ils sont encore entourés. Ne doit-on pas voir là l’indice de quelque manifestation contre-révolutionnaire ? Les commissaires de garde, le 14 août, sont un jardinier de la rue Plumet, Dewaux ; un maître de pension, Oger ; un perruquier, Donnay, habitant rue Saint-Charles, et un certain Ollivant dont la profession n’est pas mentionnée ; on comprend que ces majordomes novices soient épouvantés de la responsabilité qui leur incombe et embarrassés d’approcher en maîtres ce Roi de France que, la veille encore, une si incommensurable distance séparait de leur intimité. Le rôle impromptu qu’ils ont à jouer présente bien des risques : on assure que certains troubles ont éclaté dans Paris au cours de la nuit ; on peut craindre que les royalistes ne complotent l’enlèvement du Roi et de sa famille ; le Temple est mal défendu, envahi par une foule de soldats, de curieux, de fournisseurs, d’ouvriers en qui l’esprit inquiet des commissaires soupçonne des conspirateurs. Et il faut que les détenus circulent parmi cette cohue ; ils doivent, en effet, à l’heure des repas, aller de la Tour au Palais du Temple : il est convenu que, chaque jour leur table sera dressée dans le salon central de l’Hôtel du Grand Prieur ; et puis, si le temps est beau, ils se promènent dans le jardin dont Palloy, qui travaille avec ostentation, mais sans méthode, renverse les murs, déjà percés de larges brèches pour le passage des tombereaux. Tous ces mouvements rendent la surveillance presque