Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 54.djvu/479

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

animés. Il a trouvé dans le discours de M. Clemenceau beaucoup d’indications, d’idées, de maximes politiques et de vues rapides que deux pensées dominent : la nécessité de la concorde patriotique et la nécessité de lutter contre le bolchévisme. Il y a trouvé aussi peut-être plus de réformes qu’il n’en cherchait. M. Clemenceau, après avoir fait un éclatant historique en raccourci de la guerre et de la paix, a tracé un tableau très vaste de tous les travaux que nous avons à accomplir, et il est même descendu dans les détails : il a indiqué en passant comment il nous conseillait de régler nos difficultés financières, laissant à M. Klotz le soin d’être plus explicite ; il a proclamé la nécessité de la liberté de conscience et de la tolérance ; il a déclaré courageusement que le gouvernement devait faire respecter l’ordre et le travail non seulement contre l’anarchie mais contre les excès de pouvoir des organisations qui prétendent se substituer à la nation ; il a engagé les électeurs à voter de telle sorte qu’une majorité de gouvernement soit solidement constituée. Il n’y a guère d’article possible d’un programme sur lequel le chef du gouvernement n’ait donné un avis.

Mais au fond, la pensée de M. Clemenceau est moins dans les détails que dans l’ensemble. Président du Conseil, il devait parler des projets en discussion et il l’a fait. En le lisant, on est tenté de croire que ce n’était pas ce qui l’intéressait le plus. M. Clemenceau n’a pas grande foi dans les programmes, ni dans les réformes, ni dans les constitutions. Il a foi dans la volonté, et personne ne niera qu’il n’ait quelque raison. Il croit à la force des individus, à la décision, à la qualité des esprits. Comme les sages antiques, il sait que les lois ne sont rien sans les mœurs. Le meilleur des systèmes de gouvernement ne vaut rien à ses yeux s’il n’y a pas pour le faire marcher d’hommes lignes de ce nom. Tout se ramène pour lui à une question de caractère, et c’est l’essence de sa politique. Son discours entier a été un appel au courage, à l’activité, à la valeur individuelle, et c’est pourquoi il est optimiste. S’adressait à un peuple dont les veines sont remplies d’un si beau sang, M. Clemenceau a toute confiance. Cette doctrine tient, on le voit, peu compte des institutions, et elle néglige aisément les données historiques. Telle qu’elle est, elle a sa grandeur et elle répond vraisemblablement à l’état d’esprit d’une nation qui s’est héroïquement battue et où les hommes ont pris conscience de ce qu’ils valent. Cette invitation a l’énergie intervient à l’heure ou le pays a le sentiment de s’être sauvé précisément par son énergie : elle a toutes