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intégral. Jamais un être humain n’a fouillé aussi profondément dans les entrailles obscures des phénomènes, jamais aucun n’en a tiré des paillettes aussi étincelantes de vérité. La nation qui a produit un Newton est une grande nation ; elle est immortelle ; elle sera honorée tant qu’il y aura des êtres pensants, même si brusquement l’Océan qui l’a tant servie devait l’engloutir demain tout entière.

Comme elle est florissante encore, la moisson nouvelle qu’après lui vos grands savants cueillent dans les champs inexplorés de la nature ! C’est Dalton, ce Dalton qu’honorent les marchands de Manchester, Dation presque égal à notre Lavoisier, et qui fonde la théorie atomique. C’est James Watt, c’est Faraday, merveilleux exemple d’un cerveau qui n’a point besoin de l’appareil mathématique pour élucider et découvrir les phénomènes les plus subtils de l’électricité, C’est Yonng qui, avec notre Fresnel, met définitivement en évidence la nature ondulatrice de la lumière. C’est Joule qui fonde la théorie si féconde de la conservation de l’Énergie. C’est Harvey, Jenner, Lister. C’est le grand Maxwell et sa théorie électromagnétique de la lumière d’où sortent les ondes hertziennes et la télégraphie sans fil. C’est Darwin, émule et continuateur de notre Lamarck, qui éclaire l’enchaînement des formes naturelles. C’est toute la lignée de vos géologues, de vos naturalistes. C’est la pléiade brillante de vos astronomes : les Halley, les Bradley, les Herschel, les Ross, les Lockyer, les Huggins dont les vies sont toutes sillonnées de découvertes étonnantes, comme un ciel d’été rayé de météores. C’est, tout près de nous, la magnifique floraison des découvertes physiques et chimiques de Rayleigh, de Ramsay, de Crooks, de J.-J. Thomson, de Larmor, de Rutherford.

Et c’est la nation qui a produit ces grands découvreurs, ces nobles servants de l’idée désintéressée, que Guillaume II osait appeler une nation de marchands uniquement préoccupée d’intérêts matériels !

Cette insulte grotesque du reitre germanique, elle ne m’a, nulle part, bouleversé d’indignation autant que dans cette abbaye de Westminster qui est votre Panthéon à vous, et où, sans y prendre garde, je marchais sur la dalle où repose Newton, où gît, vide maintenant, ce crâne sublime qui a contenu tant de pensée, et où rayonna, le bref espace d’une vie, tout ce qu’un être périssable peut contenir de divin

Honneur aux marchands dont le négoce crée et entrelient le génie ! L’expérience prouve que les grands cerveaux ne se peuvent développer que dans les civilisations opulentes ; la richesse comme