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besoin d’un cordon bleu. Il s’agissait tout bonnement de coller des bandes et des enveloppes, et cela à un prix que les cordons bleus n’obtiennent pas encore. « Et voilà, concluait M. Langlais, comment la Reconstitution nous reconstitue. » Quant au reste, il partage absolument l’opinion de M. Le Blan. Le socialiste M. Wellhoff ne dénonce pas moins âprement la multiplication des bureaux, leur manque de liaison, l’absence d’idées directrices. Et l’entretien que j’eus avec M. Dubar, directeur du Crédit du Nord, et du grand journal républicain, l’Écho du Nord, n’a fait que préciser en les aggravant les critiques financières d’un pareil système.

Et pourtant des progrès ont été réalisés qui ne l’auraient peut-être pas été sous des regards plus indulgents et sans le contrôle et la censure de cette presse provinciale que dirigent des hommes du plus rare mérite. M. Domelier, que j’ai vu trop peu de temps, mais dont j’ai lu avec un intérêt passionné le livre qu’en sa qualité de témoin de la vie des Allemands à Mézières il a écrit sous le titre Au G. Q. G. Allemand, m’a mis entre les mains les articles que son collaborateur au Télégramme, M. Lardeur, publiait sur la Reconstitution Industrielle. Il y constate que la population du Nord a enfin secoué la torpeur administrative et qu’elle est parvenue « à communiquer à nos services quelque chose de son esprit d’initiative, de son énergie inventive et méthodique. » Et il apporte des chiffres. Voulez-vous connaître le passif de la guerre dans le Nord ? Soixante mille immeubles complètement détruits et quatre-vingt-dix mille à réparer. Or, à l’heure actuelle, environ vingt-cinq mille ont été visités, pour lesquels on a déjà versé vingt-huit millions cinq cent mille francs. Le déblaiement est commencé dans quarante-six communes. Les demandes municipales de fonds nécessaires au rétablissement des bâtiments communaux sont étudiées et déjà le chiffre des devis monte à huit millions. Enfin, depuis le 16 septembre, on s’est décidé à simplifier les formalités paralysantes du paiement des avances.

Mais, ce qui est encore plus rassurant que ces abstractions, c’est l’atmosphère de confiance que l’on respire, malgré les plaintes les plus légitimes. Plaintes et critiques donnent seulement à l’air un peu plus de densité. D’ailleurs, le malheur et les soucis n’atteignent point toutes les classes sociales. Les ouvriers n’ont jamais tant gagné et surtout ils n’ont jamais