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de tous les militaires et qu’il ne servait que pour cela. » Il a donc accueilli avec enthousiasme l’idée de revêtir un uniforme d’aide de camp. Mais comme il disait : « Vous pouvez croire que dans toute cette affaire-là je n’ai été pour rien absolument, » sa demande de sursis a été accueillie.

Le 29 octobre, le comte Anglès, maître des requêtes, chargé du 3e arrondissement de la police générale, dans un rapport à Soft Excellence le ministre de la Police générale, a mis Rateau à part des autres prévenus. « Rateau, a-t-il dit, compatriote de Lafon, caporal dans la Garde de Paris, et se disant neveu du procureur général près la Cour impériale de Bordeaux, n’a pas tardé à tomber dans les mains de la police après l’arrestation de Malet. Dès le premier instant, il ne s’est pas fait illusion sur le sort qui l’attendait. Il l’a envisagé d’un œil calme, et en ma présence, il a manifesté l’intention de déclarer avec franchise toutes les circonstances de l’événement : ses réponses présentent le caractère de la vérité. » Dans son rapport à l’Empereur en date du 1er novembre, Savary dit : « Rateau parait jusqu’ici n’avoir bien su la chose que le jour de l’exécution. » Par la suite, Rateau a raconté ce qu’il savait, et peut-être un peu plus. Ainsi déclara-t-il le 1er novembre que le 22, Malet avait voulu lui donner la décoration de la Légion d’honneur, et qu’il l’avait refusée, etc. Au retour de l’Empereur, dans le Conseil privé du 21 décembre, sa peine fut commuée en prison perpétuelle avec apposition au fer rouge, sur son épaule, des trois lettres T. S. P. Traître à sa patrie ! A la Restauration, il fut mis en liberté et entra, pour y travailler de son état de distillateur, chez un confiseur rue Saint-Denis, où, aux Cent Jours, on l’alla chercher pour perquisitionner dans ses papiers. Une note de Réal porte : « Rateau n’est pas un homme fort important si l’on considère ses moyens personnels, mais il a dû fixer des regards des ministres de Louis XVIII. On peut le mander et savoir ce qu’on a fait, ou voulu faire de lui sous le dernier régime. Ses papiers pourraient être visités. » Mais sans doute à présent bornait-il ses ambitions à la distillation.

Restait à régler le sort des militaires. Le général Lamotte fut mis en liberté et renvoyé de Paris ; le général Desnoyers continua d’être détenu. Seul, Provost, officier de la 10e Cohorte, fut mis en liberté : les autres furent destitués, détenus comme prisonniers d’Etat jusqu’à nouvel ordre. Certains, deux capitaines,