Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 54.djvu/369

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’État-major, et de l’État-major au quai, le maréchal des logis des dragons de la Seine, de service à la place, « a monté à cheval par ordre d’un aide de camp de M. le comte Hulin, pour aller à Saint-Cloud voir s’il y avait du mouvement des troupes, ou enfin quelque chose d’extraordinaire, ce qu’a fait le sieur Roi, et il n’a rien vu. »

Dès les premières investigations, il apparut clairement qu’il ne s’agissait ni d’une révolution populaire, ni d’une insurrection militaire. Le comte Réal [1] chargé du 1er arrondissement de la police de l’Empire, attribuant à Guidal un rôle qui le dépassait, ne jugeait pas moins l’événement avec sagacité, lorsqu’il écrivait que « le besoin de révolutionner ne se trouvait plus le 23, ni dans le cœur, ni dans la tête des Parisiens. Cette observation, disait-il, a frappé tous les esprits, elle décida en grande partie du succès de la journée. Elle n’a pas échappé à Guidal. Des trois chefs qui dirigeaient la sédition, Guidal était le seul qui fût véritablement initié aux mouvements révolutionnaires. Malet ne peut être considéré que comme un idéologue qui n’a jamais su apprécier la force d’un mouvement révolutionnaire, et Lahorie n’avait paru que dans la conspiration de Moreau qui, toute bourbonienne, toute vendéenne, si je puis rappeler ce mot, n’avait aucune couleur populaire. Guidal seul était bien au fait et seul se trouvait praticien de révolutions anarchiques Aussi fut-il le premier qui, si je puis ainsi parler, tâtant le pouls à ce mouvement, reconnut d’abord toute sa faiblesse. Dans la première course qu’il fit de la Force au ministère, et surtout dans la seconde, du ministère à la Force, il s’aperçut que les Parisiens étaient entièrement étrangers à cette représentation. La boule de neige révolutionnaire ne parut point et n’augmenta point le nombre des factieux. Pas un seul cri, pas un seul recrutement dans la populace. Guidal vit les boutiques s’ouvrir, les étalages se former, le devant des portes se balayer : pas un seul groupe auxiliaire ne se forma, pas un seul cabaret ne se remplit. Dès lors, Guidal désespéra de la sédition et, en revenant de la Force, il laissa filer un peu devant lui le détachement qu’il commandait,

  1. Il ne paraît pas impossible que Réal, si lié avec Barras, eût rencontré chez lui, sinon Guidal, au moins Mme Guidal sa maîtresse. Réal, si mêlé aux mouvements révolutionnaires, était en réalité, depuis la disgrâce de Fouché et de Dubois, le seul qui eût une compétence sur Paris.