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l’emploi d’une prodigieuse provision de mitrailleuses. En novembre 1918, ce courage même était à bout ; la fatigue l’avait vaincu. « Hélas ! écrira un Mayençais qui, quelques jours après, les verra passer, ils reviennent fatigués, misérables, fourbus. La belle armée d’Hindenburg, qu’est-elle devenue ? Foch l’a mise en pièces en moins de trois mois ! »


Nous tenons l’aveu de la défaite. En vain l’Allemagne a-t-elle essayé d’en contester sinon la réalité, du moins l’étendue. Lorsque Ludendorff n’avait plus une division fraîche, lorsque ses bataillons se battaient en désespérés, lorsque, ses rocades saisies par les armées alliées ou menacées de près, il ne pouvait même transporter aux points menacés ses forces fatiguées, lorsque l’artillerie manquait, lorsque les lignes de défense, gloire du génie allemand, avaient été brisées, que pouvait faire l’armée allemande ?

Deux armées françaises allaient l’assaillir entre la Moselle et la Sarre, une armée américaine entre Moselle et Meuse, tandis que les armées des Flandres, se rabattant sur la Basse-Meuse, menaçaient l’autre flanc. Déjà l’évacuation de Metz décidée, ordonnée, commençait : Metz, symbole de la conquête allemande, pilier de la force allemande. Ludendorff, qui n’avait pu venir à bout de son adversaire, était maintenant à sa merci. Il capitula parce qu’il ne pouvait pas ne pas capituler.

Nos troupes entrèrent à Metz, à Strasbourg, à Mulhouse dans le délire d’enthousiasme que j’ai décrit ailleurs. Puis je les vis entrer à Sarrebrück, à Kayserslautern, à Mayence. Au milieu des populations alsaciennes, nos hommes entraient en amis triomphants ; à Mayence, je les vis défiler en vainqueurs assurés : en tête, Fayolle, droit, digne, l’œil bleu plein d’une sérénité grave ; derrière lui, Mangin, plein de fierté, l’œil noir fixé sur la proie conquise, formidable de passion satisfaite : ces deux hommes résumaient la bataille où la raison ordonna l’audace, où l’audace entraîna la raison. Et derrière, les colonnes de nos soldats au visage fatigué, à l’œil allègre, à la démarche vive ; la Vertu française en marche vers le Rhin tout proche.

Quand, sept mois après, nous vîmes, en cette inoubliable journée d’apothéose, défiler sous l’Arc de Triomphe et dans nos rues pavoisées notre armée triomphante, elle nous apparut