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une nuit très noire et pluvieuse ; ils étaient arrivés par des chemins affreux, en partie détruits, que quelques-uns de leurs sapeurs réparaient devant les voitures, ils furent reconnus, suivant les règles, et conduits à la Capelle où les attendaient quatre officiers envoyés par le général Debeney ; le commandant de Bourbon-Busset, chef du 2e bureau de la 1re armée, les ayant, si j’ose dire, identifiés, les conduisit au Quartier général de l’armée où ils parvinrent le 8, à une heure. Un train spécial les conduisit en forêt de Compiègne, à Relhondes, où Foch s’était aussitôt transporté, avec l’amiral sir Rosselyn Wemyss et le général Weygand. Le train des parlementaires allemands entra à 7 heures au garage de Rethondes et, à 9 heures, le commandant en chef recevait dans le wagon-bureau de son train spécial les envoyés de Berlin.

Il m’est interdit par la discrétion, — et il serait d’ailleurs hors de mon rôle actuel, — de rapporter ici les détails de l’entrevue. Disons seulement que, résolus, sur les vives instances du Commandant en chef des Armées alliées, à déjouer le plan allemand, les gouvernements alliés étaient tombés d’accord sur la nécessité que, dans les circonstances où l’armistice était demandé, il revêtit, ou plutôt gardât rigoureusement le caractère de capitulation sollicitée. Lorsque le ministre Erzberger, chef de la délégation, déclara venir « recevoir les propositions des Puissances alliées, » le Maréchal répondit fort naturellement qu’il n’avait aucune « proposition » à « faire. » Le comte Obendorf, alors intervenant, se déclara prêt à entendre « les conditions de l’Entente. » Ces conditions ne pouvaient être communiquées que si les Allemands demandaient fermement l’armistice. « Demandez-vous l’armistice ? » Erzberger et Obendorf, d’une seule voix, déclarèrent le demander. C’est en ces termes que s’engagea l’entretien. Les conditions furent lues. Celaient exactement celles d’une capitulation — et sans précédent. On leur donnait trois jours pour l’accepter.

C’est dans ces circonstances que Foch adressait à ses armées un suprême appel. Si les Allemands hésitaient à signer, le succès grandissant de notre poursuite les y amènerait. S’ils y étaient résignés, il fallait que, la victoire étant consommée avec la libération du territoire français, la capitulation de l’Allemand, forcé sur ses frontières, apparût bien comme l’aveu éclatant de sa défaite sans appel.