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avait été mise en croix. Si les morts de Guise de septembre 1914 accueillaient, à la voix d’un Debeney, les soldats de France, si les morts anglais de Mons d’août 1914 appelaient les soldats de Haig, c’étaient, devant Gouraud, de bien plus anciens morts qui se dressaient : les malheureux soldats de Mac Mahon. Tandis que les hauteurs de la Meuse se couvraient des troupes bleues de France, il semblait que, partout, devant eux, la terre tressaillit. La guerre de Revanche se terminait à Sedan ; tout à l’heure, elle recevra sa récompense à Metz et Strasbourg. Dans la nuit, des patrouilles de Gouraud pénétraient dans la ville.

Guillaumat arrivait, plus à l’Est, dans l’énorme région boisée qui fait aux Ardennes une première ceinture de forêts, avant-garde de la formidable armée des hautes futaies ; les deux forêts de Signy, la forêt d’Estremont. Rien dans la journée du 7, — sauf la difficulté du terrain, — ne pouvait retarder sa marche qui, à travers le Porcien, puis les grands bois, le porta sur certains points à 20 kilomètres de la ligne de départ. Le 8, on se heurta à une résistance assez vive, destinée à retarder cette marche trop rapide plutôt qu’à l’arrêter : le 4e corps dut se mettre en bataille au Nord de la région boisée de Haute-Ecogne et Gruyère ; le 9e corps écrasa une tentative de résistance et se porta sur la ligne Sud de Neuville, abords de Fagnan-Warnecourt, à trois kilomètres sud de Mézières-Charleville. A sa gauche, le 13e corps était aux lisières Nord de la forêt de Froidemont ; le 21e emportait contre la résistance ennemie le bois de la Liart et les hauteurs de Lagny-Bagny. Ce soir du 8, Guillaumat tenait la ligne du Sud de Mézières au sud d’Aubenton par Thin-le-Moutier et Lagny-Bagny.

Humbert, cependant, marchait en direction Nord-Est vers la région d’Hirson. Dès le 7, après une marche considérable, toute la 3e armée atteignait la ligne route Landouzy-Iviers, les lisières Sud de la forêt de la Haye d’Aubenton-Résigny-Maimbresson. L’ennemi fit alors front. Derrière le Thon et l’Aube couvrant Hirson, il se cramponna toute la journée du 8. Mais cette ligne d’eau était, le soir seulement, forcée à Eparcy (5 kilomètres sud d’Hirson).

Debeney, d’ailleurs, la menaçait vers le Nord. Car, marchant nettement vers l’Est, en direction d’Hirson-Fourmies, la 1re armée, en dépit des difficultés résultant du terrain et du mauvais temps, avait, le 7, avancé de 10 kilomètres environ,