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C’est cette « catastrophe » que Foch préparait activement et c’est parce qu’il sentait qu’il n’avait que quelques jours pour prévenir la manœuvre pacifiste — la seule que pût maintenant escompter un Ludendorff lui-même, — c’est parce qu’il se fallait hâter que le maréchal Foch lit avec impatience au Journal des opérations : « Le 30 octobre. Situation généralement inchangée sur tous les fronts. »

Il donne donc à tous l’ordre de presser les assauts et, cependant, pousse les préparatifs de l’attaque en direction de la Sarre. On sait, par ce qui vient d’être dit, quel succès on en peut attendre. Les forces allemandes, assaillies vigoureusement, ne pourront être alimentées ; c’est donc la défaite assurée pour elles, mais il faut que l’attaque soit assez foudroyante pour que la place de Metz elle-même, débordée par la double action de la Meuse et de la Moselle, tombe en quelques jours. Et le fait est qu’elle fût tombée, puisqu’attendant, sans en préciser le champ, notre attaque en Lorraine, le Haut Commandement allemand, conscient de son impuissance, donnait éventuellement l’ordre d’immédiate évacuation. Le 23 octobre, Pétain avait été invité à orienter de préférence l’attaque à l’est de Metz. Le 25, le général en chef des armées françaises avait rendu compte des dispositions prévues pour doter en grandes unités l’offensive projetée. Le 27, il avait informé Foch — quelle autre garantie de victoire ! — que le vainqueur de Nancy, le général de Castelnau avait été investi du commandement des deux armées chargées de l’opération : la 10e (Mangin) et la 8e (Gérard). Le 30, il avait fait part de l’organisation de l’attaque à laquelle 20 divisions étaient destinées. Mangin en recevait la plus grande partie ; le 31, en fait, ces divisions s’acheminaient en partie vers la Lorraine. Pétain pressait son monde : il pourra, le 9 novembre, annoncer à Foch que l’offensive décisive se déclenchera le 13. Pershing, de son côté, mis au courant des projets, a été invité à y collaborer, et par l’envoi à la 10e armée française de 6 divisions et par une opération de sa 2e armée (Bullard) entre Meuse et Moselle. Les États-majors des armées exécutantes achevaient déjà les études et tout se préparait. Le hasard me fit rencontrer à cette époque le général Mangin. Je n’eus jamais davantage le sentiment d’une énergie décuplée par de grands espoirs ; le Lorrain courait à la reconquête de Metz, à la libération de sa province. L’épée