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Or elle entend ne pas la perdre tout entière ; elle espère encore obtenir, par l’armistice, le délai nécessaire pour échapper à la défaite, à la débâcle, à la honte d’une capitulation, peut-être encore pour ramener ses troupes sur des positions meilleures et, profitant du délai, refaire son armée désorganisée, refondre des canons, organiser la défense de ses frontières. Lorsque, le 7 octobre, nous avons vu Max de Bade, actionné par Hindenburg et Ludendorff, solliciter l’armistice par la voie du président Wilson, point d’autre dessein sans doute que de se garer d’un suprême désastre militaire. Foch a immédiatement percé le dessein. Armistice, soit, mais à de telles conditions que ce soit non un armistice, mais une capitulation, non un sursis, mais une exécution. Pour cela, contraindre l’ennemi à livrer ses frontières, ses armes, ses flottes, ses canons, ses munitions. L’empressement fébrile avec lequel le Chancelier a accompli la démarche dont il était chargé, la singulière complaisance avec laquelle pendant tout ce mois d’octobre, ce gouvernement, hier si arrogant, a écouté et agréé les cruelles mercuriales du président Wilson, les instances faites pour qu’au plus tôt, l’armistice soit conclu, tout indique un Etat aux abois où, derrière les armées, forcées dans leurs derniers retranchements, grondent le désespoir et, pour un instant, la révolte ; mais tout, partant, inspire au Commandant en chef des armées Alliées le souci de n’être pas joué, de ne pas voir cesser, sans que l’Allemand ait capitulé, une bataille qui l’y va contraindre. Le 4 novembre, il fera agréer par le Conseil de Versailles les termes de l’armistice éventuel et, nous le verrons, ce sont bien ceux d’une capitulation sans précédent.

En attendant que le vaincu s’y résigne, il le faut mettre dans telle situation militaire que, de gré ou de force, il faudra bien « qu’il y vienne. » Pour cela, il convient que soit poussé l’assaut, renversées les dernières barrières, forcées ou tournées les positions, talonnée la retraite, encerclée tous les jours plus étroitement la masse ennemie. Toutes les ressources doivent donc être jetées dans la bataille par tous les Alliés ; plus de front passif, toutes les armées en mouvement, et tous les canons, et tous les avions, et tous les chars — et toutes les forces. Au général Haller, commandant la petite armée polonaise maintenant constituée, il demande ses divisions ; à