Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 54.djvu/291

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la « situation révolutionnaire » qu’il attendait existait de fait.

Il n’avait pas de parti, au sens propre du mot ; il disposait seulement d’un tout petit groupe de fidèles. Un document publié à Moscou, il y a quelque temps, donne à ce sujet un renseignement très intéressant.

En 1913, un congrès du parti bolchéviste était convoqué par Lénine à Cracovie : quatre personnes seulement se réunirent : Lénine, Kameneff, Mme Lénine et Pokrowsky, ce dernier membre de la Douma et provocateur à la solde du Département de la Police de l’ancien régime. Comme parti politique, ce n’était pas grand’chose. Mais ce petit noyau grossit très vite. Encouragés par la faiblesse et les défaillances du gouvernement de Kerensky, tous ceux qui, sous le nom de liberté, visaient à l’anarchie se groupèrent autour de Lénine et de son drapeau de la révolution sociale.

Lénine comprit qu’il importait, pour mettre à exécution son plan politique depuis longtemps arrêté, de s’assurer en tout premier lieu du concours des soldats. Le pays en regorgeait... Les mobilisations se succédaient sans cesse et le commandement russe était toujours enclin à suppléer aux défauts d’organisation par le nombre des combattants. Il y avait des garnisons importantes dans toutes les villes russes et elles subissaient, peut-être plus que les troupes du front, l’influence de la crise révolutionnaire. Elles se prêtèrent très facilement à la propagande défaitiste de Lénine. Le sentiment du devoir, déjà fortement ébranlé, disparaissait sous l’influence pernicieuse d’une doctrine qui, à force de sophismes mensongers, proclamait l’affranchissement de toute discipline et de toute fidélité à l’idée de Patrie. La masse, à qui l’ancien régime n’avait su donner aucun sentiment du « civisme, » cueillait au vol des formules qui justifiaient la désertion.

La propagande acharnée à laquelle les bolcheviks avaient soumis la garnison de Pétrograde, leur valut leurs premiers adeptes, un cadre d’individus de la pire espèce, « profiteurs » révolutionnaires sans foi ni loi. Aussitôt que, grâce au concours de ces éléments louches ou criminels, la garnison de Pétrograde parut suffisamment désorganisée, Lénine donna le 25 octobre 1917, le signal du coup d’État.

L’avènement des bolcheviks apparut donc prima facie comme un pronunciamiento purement militaire, plus ou