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en soude), avec une population capable d’en absorber seulement 70 000 : soit un excédent de 265 000 tonnes. Le placement de ce tonnage impliquerait une consommation de soude française augmentant de moitié : progrès qui demandera tout au moins plusieurs années.

Or, les producteurs actuels de sel français se divisent en trois groupes : mines de Lorraine, de Franche-Comté et du Sud-Ouest ; marais salants de l’Atlantique ; salins de la Méditerranée. Sur ces groupes, deux seulement ont une réelle importance : la Lorraine et la Méditerranée. Les salins du Midi travaillent avec un prix de revient très bas (5 à 10 francs avant la guerre) et pourraient développer largement leurs installations, mais dépendent des conditions atmosphériques. La Lorraine, dont le gisement est pratiquement illimité, peut produire ce qu’elle veut avec un prix de revient qui, aux anciens cours du charbon, atteignait déjà 15 francs et qui sera sensiblement plus élevé désormais. Quant à la répartition de la production, elle est, en chiffres globaux, la suivante. La Lorraine, dans la partie restée française, produisait 950 000 tonnes. Avec la zone désannexée, cela fera 1 300 000. Les salins de la Méditerranée varient, suivant les années pluvieuses ou sèches, du simple au double, entre 170 000 tonnes et 350 000. L’Atlantique atteint péniblement 100 à 150 000 tonnes. La Franche-Comté et le Sud-Ouest oscillent autour de 100 000 tonnes. Il y a longtemps que les deux gros producteurs auraient annihilé les autres, si la concurrence commerciale s’était librement exercée, et l’industrie des salins méditerranéens aurait pu, à son tour, en accumulant les stocks d’une année sur l’autre, alimenter seule une grande partie du marché.

Pour faire vivre des populations ouvrières accoutumées à ce travail, on a maintenu toute cette industrie dans un état d’équilibre instable, en constituant un syndicat à production limitée, avec rayons de vente déterminés pour chaque groupe. Dans un pays où l’on manque tellement de main-d’œuvre, c’est une de ces solutions irrationnelles qu’amène le régime électoral. La conséquence est que le consommateur arrive à payer 200 francs au détail (dont 100 francs d’impôt), ou même 600 francs en ce temps de vie chère une marchandise qui, extraite de la Méditerranée, revient en gros à 5 ou 10 francs. Et l’on ne peut pas, dans un cas semblable, admettre qu’un abaissement des