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Et cette situation devint bientôt d’autant plus grave que le gouvernement allemand, très au fait des armes économiques comme des autres instruments de guerre, prit les mesures voulues pour être, lui État, maître du marché mondial. Il possédait quelques-unes des principales mines ; il imposa sa volonté aux autres, qui durent se grouper sous sa direction. Puis, devenu ainsi le maître incontesté, il profita largement de sa force dans l’intérêt du parti agricole, si puissant à la cour de Berlin. Les prix de vente aux agriculteurs allemands furent maintenus très inférieurs aux prix de l’exportation.

Les choses en étaient là, et Stassfurt restait sans aucun concurrent sérieux, quand, à partir de 1904, des chercheurs alsaciens et français découvrirent, pour la première fois, un autre grand gisement susceptible d’entrer en lutte, celui de la Basse-Alsace. Ce fut, on doit l’avouer, par hasard. On cherchait de la houille près de Mulhouse, à Wittelsheim ; on rencontra de la potasse (que l’on confondit même au début avec le sel dans lequel elle est encaissée), et on ne s’en plaignit pas. Bientôt les sondages se multiplièrent. À la première société Amélie, qui avait foré 165 sondages, s’ajouta la société Sainte-Thérèse, et les explorations limitèrent le gisement profond, préparant la voie aux puits d’exploitation que l’on commença ensuite à creuser.

D’importants capitaux français étaient engagés dans ces recherches ; les Américains, de leur côté, avaient acheté deux des mines nouvelles ; le gouvernement allemand sentit le danger et, par une loi de 1910, il mit la main sur la potasse alsacienne, en livrant tout ce commerce à un syndicat officiel et obligatoire, le kalisyndicat (fondé quelques années auparavant, en 1902), qui fut chargé de réglementer la production et d’assurer les prix. Dans ce syndicat, la part du lion fut attribuée à Stassfurt et une portion minime à l’Alsace. Le malheur voulait qu’à cette époque l’Alsace fût allemande, en sorte que la découverte nouvelle n’avait en rien atténué la situation de servitude où restait, pour la potasse nécessaire à ses champs, tout le monde civilisé.

Enfin, peu avant la guerre, on rencontra un troisième gisement important, celui de Cardona en Catalogne. On se mit immédiatement à l’étudier et un groupe Franco-belge s’y intéressa vivement. Néanmoins, on n’en était encore qu’aux espoirs