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hiérarchique extrême. Il s’évertue à confirmer, par les exemples de l’ancienne Église, la thèse de son supérieur, et il y réussit médiocrement. Il prétend, pour rassurer les religieuses jalouses de sauver l’honneur de Jansénius, que l’Eglise primitive, tout en « joignant » la condamnation des défenseurs des mauvaises doctrines avec celle des doctrines, n’avait jamais l’intention que « ce qui touchait les personnes fût un article de foi. » C’est fort douteux. Alors pourquoi ne disjoignait-elle pas ces deux choses ? Pourquoi, au contraire, les fondait-elle ensemble, si ce n’était dans l’intention d’inspirer contre l’errant la haine, en même temps que l’on ordonnait la détestation de l’erreur ? Ce que voulaient ces juges sans douceur de « l’Eglise primitive, » n’était-ce pas précisément de « porter par tout l’univers les noms » de Nestorius, de Pelage, d’Arius « chargés des anathèmes de tous les peuples ? » N’était-ce pas de les « faire fuir » et maudire ? Et sur ce point particulier, on peut s’étonner que Bossuet affirme « qu’il ne venait alors à l’idée de personne que ce fût l’intention des docteurs de faire détester ensemble les hérétiques et les hérésies, avec la même soumission de foi catholique. » Tout ce qu’on peut lui concéder, c’est ce qu’il établit facilement, que les faits relatifs aux hérétiques « n’étaient pas élevés » proprement et expressément « au rang de vérités révélées. »

Ce qui est plus intéressant, c’est l’habileté avec laquelle, s’emparant de la faible et contestable thèse de Péréfixe, il en tire tout de suite un argument singulièrement plus fort et plus haut.

Votre prélat vous demande « une foi ecclésiastique ? » Ce mot, Bossuet s’en empare, et il l’interprète, pas peut-être au sens où Péréfixe l’avait employé, mais d’une façon bien avisée et large. « Ne prenez point de vaines terreurs de cette foi ecclésiastique. » Ce que « votre archevêque, — affirme-t-il, — entend par là, cette soumission de votre jugement à celui de vos supérieurs légitimes qu’il croit pouvoir réclamer de vous, c’est un acte d’humilité et non pas d’intelligence, » c’est une « bonne disposition du cœur et de la volonté. »

Et voici qu’ici nous voyons poindre les raisons qui touchent personnellement Bossuet, et qu’il croit susceptibles de toucher les âmes chrétiennes, et qu’il va longuement développer. : Qu’elles pensent, ces âmes, qu’elles font partie d’un corps,