Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 54.djvu/162

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

données dans un cours d’histoire, on conçoit à quel point le parti pris de chercher partout la femme fausserait la vérité, et aussi quelles pudeurs il froisserait. Et nous avons fait allusion ailleurs aux fadaises et aux niaiseries de certains enseignements scientifiques pour jeunes filles.

On comprend donc entre quelles exagérations contraires l’enseignement féminin doit chercher sa voie. Nous osons dire, quoique les critiques de détail soient possibles, et nous en avons donné l’exemple, qu’il l’avait trouvée. Cette rencontre ne fut pas d’ailleurs l’improvisation de pédagogues inspirés. L’enseignement public des jeunes filles bénéficia de la lente préparation que nous avons brièvement racontée, et dont l’enseignement libre à l’honneur. C’est à force de tâtonnements, d’expériences, que la note juste fut atteinte et le ton donné. On tomba d’accord que jeunes gens et jeunes filles pouvaient s’asseoir à la même table garnie de tous les trésors du savoir humain, sans prendre exactement le même repas ; qu’il y a une manière de parler à des hommes, et une autre de parler à des femmes, même quand on dit la même chose, que la littérature, comme nous le disions tout à l’heure de l’histoire, était la même pour tous, et que cependant on ne concevrait pas un programme, pour les jeunes filles françaises, d’où seraient absents le Traité de Fénelon, les Lettres de Mme de Sévigné, et certaines comédies de Molière plutôt que d’autres et, plutôt que d’autres aussi, certaines oraisons funèbres de Bossuet. Ces choix et ces différenciations sont affaire de tact, de goût et de psychologie. On s’aperçut ensuite que la dose appropriée de savoir, en particulier de science proprement dite, n’était pas invariable, non seulement parce que la science progresse, mais parce que l’intelligence féminine se révéla plus apte et plus avide qu’on ne l’avait supposé. On reconnut donc qu’il faut, pour ce dosage, user d’instruments de mesure élastiques et flexibles, comme était la règle célèbre des Lesbiens.et que l’adaptation du programme à l’élève, à sa nature et à ses besoins, est l’œuvre d’une longue patience, et une œuvre toujours à recommencer. De toute cette expérience il résulte qu’il ne faut pas procéder par principes a priori, comme celui qui, posant non seulement l’égalité, mais l’identité de l’intelligence chez les deux sexes, les mettrait obligatoirement sous le même joug, qu’il ne s’agit pas de contraindre par l’éducation la femme à ressembler à