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préoccupations sont dans tous les esprits. Et l’éducation physique des générations futures, longtemps traitée avec scepticisme chez nous, apparaît comme une obligation primordiale, en même temps qu’une lutte plus nettement menée contre les maladies et les vices qui sont les ennemis redoutables de la race. Toutes ces mesures se tiennent.

Il faudrait parler de rétrogradation encore si, même sans imposer à la femme de travail pénible, on arrivait à ne plus savoir distinguer entre les travaux qui lui incombent et ceux qui incombent à l’homme. On a longtemps enseigné que la différenciation était le signe même du progrès et qu’une des lois de l’évolution était le passage de l’homogène à l’hétérogène. Le romancier des anticipations, Wells, prophétise cependant que la fin de la spécialisation féminine sera un des traits de la civilisation qui sortira du chaos de la guerre. « L’être humain, dit-il, l’emportera sur l’être féminin. » La toilette féminine ne se rapproche-t-elle pas déjà de celle de l’homme, symbole d’autres rapprochements ? A cette prédiction d’autres prédictions répondent : dans quelques années la femme sera la première, dit-on, à regretter ses prétendues conquêtes et à constater que le féminisme est « la faillite de la femme. » On parlera alors de retour au ménage, comme on parle de retour à la terre. Il est imprudent de prophétiser, mais il faut prévoir pour de courtes échéances. Or, représentons-nous, au lendemain de leurs rudes combats, les hommes réclamant leur place dans les carrières envahies par les femmes, si celles-ci voulaient ne plus se considérer comme des suppléantes provisoires. Une guerre des sexes succédera-t-elle à l’autre guerre ? Et cette guerre risquerait de devenir intestine, au sein des familles même, si les maris et les femmes offraient en concurrence leurs bras, ou ailleurs leur cerveau et leur savoir, faisant partie bien entendu de syndicats opposés. Nous avons plutôt besoin, après la longue séparation, de ce qui unira les ménages et reconstituera les familles. Les économistes prévoient que le premier résultat de cette concurrence serait une baisse des salaires. D’où encore des récriminations et une aigreur réciproques. Est-ce la récompense qui attend nos combattants ?

Mais la femme, puisque c’est l’avenir féminin qui nous préoccupe en ce moment, serait la victime désignée du conflit.