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permît d’installer la résistance principale. Mais il demeurait que l’ennemi, s’il forçait celle-ci, se devait heurter à une seconde ligne plus fortement organisée, et, par le procédé de l’échelonnement en profondeur des forces prêtes à le défendre, le front, si d’aventure il fléchissait, ne romprait point.

L’aventure de l’Aisne ne se pouvait donc reproduire. D’ailleurs, Foch recommandait à Pétain de bien pénétrer ses lieutenants, et par eux jusqu’au plus petit soldat, de la nécessité de tenir cette fois avec la dernière énergie. Quelle que fût la violence de l’assaut prévu, l’ennemi ne devait pas atteindre même son objectif minimum.

Cet objectif minimum c’était, pour la journée du 9 juin, la ligne Courcelles-Belloy et la route de Belloy à Compiègne, pendant qu’à l’aile droite allemande un groupement, pivotant autour de Montdidier, occuperait le Frétoy et le Ployron, et qu’à l’aile gauche, un autre enlèverait les hauteurs de Chiry-l’Écouvillon et acculerait à l’Oise les Français débordés par l’Ouest. Le centre alors pousserait jusqu’à l’Aronde, pendant que la gauche occuperait Compiègne et que la droite, renforcée d’une division, enlèverait les hauteurs de Méry et s’alignerait le long de la voie ferrée Montdidier-Tricot-Wacquemoulin. Des divisions resteraient en réserve pour l’exploitation qui, probablement, au cas où la percée serait couronnée le 10, devaient être lancées au delà de l’Aronde en direction d’Estrées Saint-Denis et Clermont. En s’en tenant à l’objectif proposé pour le 10 aux troupes, la région de Compiègne, l’Etat-major allemand était autorisé à penser que le saillant fort étroit et très aventuré que dessinerait dès lors le front français, de Sempigny à Villers-Cotterets, serait forcément évacué par nous, à moins que les troupes françaises ne s’y laissassent prendre.


Le 9, à minuit, l’artillerie allemande commença sa prépa- ration : elle s’étendit sur tout le front de l’armée Hutier (XVIlIe), à l’Est jusqu’à Carlepont, à l’Ouest jusqu’à Grivesnes. A 4 heures 20, l’infanterie se jeta sur les lignes de l’armée Humbert, entre l’Oise et Rubescourt.

Aux deux ailes, l’attaque, dissociée par les barrages de notre artillerie et le feu de nos éléments de couverture, ne réussit à progresser que lentement, sans pouvoir atteindre aucun de ses