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d’Occident comme sur le front d’Italie ou sur le front roumain, avait attaché son nom à quelques-uns des plus grands combats de cette guerre.

Aussi quand, ces combats achevant de se dérouler par la défaite et la capitulation allemandes, on avait appris que l’ancien quartier-maître général se retirait en Suède pour y écrire ses Mémoires, nous étions-nous promis que le livre ne pourrait manquer d’être un de ces monuments qui doivent également intéresser amis et ennemis, étant composés par l’un des principaux témoins et acteurs du drame.


Cet ouvrage vient de paraître : il ne laisse pas de causer une certaine déception.

Quand on a vu cet énorme volume, ces six cents pages de texte compact composées, en moins de six mois, sur les plus graves événements de l’histoire moderne, comprenant tant de faits complexes et obscurs, on ne peut s’empêcher de penser que c’est aller un peu vite en besogne, et qu’un homme qui aurait quelque souci de la vérité devrait procéder, ce semble, avec plus de prudence et de circonspection. L’auteur nous avertit qu’il ne prenait pas de notes et qu’il écrit de souvenir. Celle précaution oratoire n’est pas faite pour nous rassurer. Sans doute, l’écrivain est encore assez près des faits qu’il raconte, il a certainement conservé par devers soi assez de documents authentiques et il est doué d’une mémoire assez bien organisée, pour que son livre, tel qu’il est, demeure encore aux yeux de l’avenir une source de premier ordre. Il y a là une première synthèse des événements qui, à certains égards, ne pourra être surpassée et qui demeurera une contribution infiniment précieuse aux historiens futurs. Mais il est clair que ce n’est pas pour eux qu’a écrit avant tout l’auteur de ces Mémoires, et que l’ex-quartier-maître général, en publiant son livre, a songé beaucoup moins à l’avenir qu’au présent. Ce n’est pas un Montluc qui prend la plume dans ses vieux jours pour distraire sa retraite et amuser son oisiveté en contant, les pieds sur les chenets, les souvenirs de sa jeunesse et le récit de ses aventures. Il n’a pas encore l’âge de la sérénité et de la philosophie. Il n’a pas désarmé ni pendu le harnais au croc. Cet homme à qui l’Allemagne a confié son