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anglais ne fera plus rien pour maintenir le taux des changes. Et voici que, au lendemain de la signature des préliminaires de paix, nous assistons à des soubresauts dont l’amplitude dépasse celle des fluctuations de la guerre. Il faut prendre le mal à sa racine. Nous adjurons la nouvelle Chambre, puisqu’il est trop tard pour rien demander à celle qui va disparaître, de nous donner un budget en équilibre : ce jour-là, la livre sterling et le dollar baisseront, c’est-à-dire que le franc montera et s’apprêtera à reprendre son rang dans le monde.

Un de mes amis, qui souffrait des yeux, alla consulter un oculiste célèbre et ne fut pas peu surpris de l’entendre lui poser cette première question : « Votre estomac fonctionne-t-il bien ? » Ce fut aux organes digestifs du malade que le grand praticien consacra tout d’abord son attention. Quand il eut rétabli la santé générale de son client, le mal local avait disparu comme par enchantement. Il en sera de même pour la crise des changes. Ce n’est pas une maladie qui réclame des remèdes spécifiques. Elle est née des souffrances de l’organisme tout entier et s’évanouira dès que la France aura retrouvé son équilibre économique.

Dans un discours mémorable, au mois d’août 1914, M. Lloyd George, qui était alors chancelier de l’Echiquier, c’est-à-dire Ministre des finances, exposait à la Chambre des Communes la série des mesures qu’il avait prises, avec une décision rapide, pour maintenir au-dessus de toute discussion l’intégrité du crédit anglais. « La livre sterling, s’écriait-il, a toujours été considérée, dans le monde entier, comme de l’or ; il faut qu’elle continue à l’être. » Inspirons-nous de cette doctrine financière et faisons converger nos efforts vers ce but clairement défini. Si nous le voulons, peu d’années suffiront à l’atteindre et nous nous retrouverons dans la situation d’avant guerre, alors que le franc, lui aussi, était de l’or, et faisait prime sur les marchés étrangers.


RAPHAËL-GEORGES LÉVY