Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 53.djvu/917

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pays diminuaient rapidement. Notre agriculture ne suffisait plus à nourrir notre population ; une partie de nos usines étaient occupées ou détruites par l’envahisseur ; les autres travaillaient pour les besoins de la défense nationale et ne pouvaient rien fournir pour l’exportation. A partir de ce moment, notre change vis-à-vis des pays alliés eu neutres, avec lesquels nous continuions à commercer, était donc condamné à subir les effets d’une situation qu’il ne dépendait pas de nous de modifier. Plus nous achetions d’objets en Angleterre, aux États-Unis, en Espagne, en Hollande, en Scandinavie, et plus la livre sterling, le dollar, la peseta, le florin, la couronne Scandinave étaient recherchés sur les places françaises, plus il fallait payer de francs pour se les procurer. Aussi, depuis 1915, n’avons-nous plus jamais revu ces changes redescendre au pair. Ils n’ont pas cessé d’être cotés à prime ; la tendance générale a été à la hausse ; à l’heure où nous écrivons, les prix sont plus hauts qu’ils ne l’ont été au cours de la guerre.

Voici l’explication du phénomène. A mesure que la persistance de la hausse, ou plutôt des besoins qui la déterminent, apparut plus clairement, notre gouvernement se préoccupa, à juste titre, d’y chercher un remède. Dès le début des hostilités, l’exportation des monnaies d’or avait été intensive, de sorte que le moyen le plus simple de payer les marchandises importées, celui d’en acquitter le prix en numéraire, n’était plus praticable. D’ailleurs les sommes nécessaires étaient telles que tout l’or de la France, qui, après les États-Unis, délient le plus gros stock de métal jaune du monde, n’eût pas suffi à payer les importations d’une année de guerre. Mais nous possédions des titres étrangers pour des sommes considérables. La vente de ces titres en dehors de nos frontières devait nous fournir des disponibilités, c’est-à-dire de la monnaie anglaise, américaine ou autre, qui nous permettrait d’acquitter, pour un chiffre égal à celui de leur valeur, le montant de nos achats. Nous n’entrerons pas dans le détail des combinaisons qui intervinrent. Ces titres étrangers étaient la propriété de particuliers, qui, dans beaucoup de cas, les réalisèrent eux-mêmes au dehors. A ceux qui ne l’avaient pas fait, l’Etat demanda de les lui prêter ou de les lui vendre. Une fois nanti de ces valeurs, le ministre des Finances négocia soit avec des gouvernements, soit avec des groupes de banquiers étrangers, qui lui avancèrent des fonds