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été reconnu par des gardes de sa compagnie qui l’avaient vu en uniforme d’aide de camp ; ils le signalèrent à son capitaine qui le conduisit lui-même, le 24, au ministère de la Police.

Boutreux avait été présenté par Lafon à Dubuisson et à Caamano, sous le nom de Balencie, un de ses camarades, et il n’avait point eu, durant sa courte fortune, l’occasion de dévoiler son nom, en sorte qu’on le rechercha d’abord sous son pseudonyme. Quand, à la préfecture de Police, il avait vu arriver le commandant Laborde, il s’était dépouillé de son écharpe (ou l’avait laissé prendre) et, passant par la place de Grève pour avoir des nouvelles, il s’en était allé d’une traite au château de Courcelles, près Pontoise, chez M. de Bories, père d’un de ses élèves. Ce fut là que, dans la nuit du 26 au 27, la brigade de gendarmerie, mise en alerte par un employé de la police, vint le trouver. On le ramena à Paris, où il arriva trop tard pour être compris dans le procès.

Quant à Caamano, on n’eut qu’à l’arrêter au cul-de-sac Saint-Pierre dont il n’avait point bougé. Pourtant, suivant en cela les indications qu’il avait reçues de Lafon, il avait jeté dans un puits l’épée qu’avait portée Rateau, un sabre et une épée que Malet avait laissés chez lui. Il avait allumé du feu dans la cheminée de la seconde pièce de son logement, et il y avait brûlé l’habit, les épaulettes, le chapeau et le ceinturon que Rateau avait abandonnés pour reprendre ses habits de caporal. Arrêté le 24, et emmené le 25 sans qu’on eût perquisitionné chez lui, ce ne fut que le 26 que, sur l’avis de son logeur, la police, dans une nouvelle descente, opéra les constatations nécessaires.

Ainsi, sauf Lafon, tous les acteurs et même les comparses étaient arrêtés. A la vérité, Lafon était l’un des meneurs de l’affaire, et seul il eût pu mettre sur la voie des découvertes : s’il y avait eu, comme il est permis de le croire, et comme Lafon. lui-même s’en est vanté, entente établie avec les cardinaux italiens détenus au donjon de Vincennes, avec les royalistes du Sud-Est, sur lesquels le marquis de Puyvert avait gardé son action, avec les royalistes de Paris qui relevaient des Polignac, surtout avec la Congrégation dont Lafon était un des chefs, et à laquelle Boutreux, Rateau et peut-être Malet, étaient affiliés. Que Lafon ait par la suite cherché à se donner une importance qu’il n’avait pas, cela est possible : mais l’on a la preuve que les Polignac étaient instruits de ce que préparait