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même de commandants, il pensait qu’aucun ne résisterait.

Pour les rôles principaux, il lui fallait quelques officiers généraux dont le mécontentement lui assurât le concours. Par Ducatel, son ancien guichetier de la Grande Force, auquel il avait promis une bonne place, et qui venait le voir fréquemment, il était renseigné sur les prisonniers d’État qui se trouvaient à la prison attendant, les uns, leur départ pour l’exil, les autres, leur renvoi devant une juridiction donnée. Ducatel était à ce point de vue un auxiliaire singulièrement précieux.

Il fallait que Malet se renseignât sur le régiment qu’il comptait employer. Au départ, ce serait une des cohortes, la 10e , qu’il comptait tromper, séduire, et enlever sans grand’peine, étant données l’ineptie du chef de bataillon commandant, l’inexpérience ou la lassitude des officiers, la faiblesse des cadres, la disposition des hommes. Mais ensuite, le régiment de la Garde de Paris était une troupe militaire où abondaient les anciens soldats et dont il s’agissait de connaître les officiers et les sous-officiers de façon que, si l’on obtenait au premier coup de surprise l’aveu du colonel, les ordres se trouvassent immédiatement répartis entre les compagnies sans que le chef de corps, ni les chefs de bataillon eussent à s’en mêler.


LE PERSONNEL AU COMPLET

Ce fut là qu’intervint, de façon à rendre réalisable la conspiration demeurée jusque-là imaginaire, un des commensaux de Malet, l’abbé Lafon. Ce Jean-Baptiste Lafon, était né à Pessac-sur-Dordogne en 1774. Son père brûlait des eaux-de-vie qu’il vendait à des négociants de Bordeaux. Après de bonnes études pédagogiques, il avait reçu les ordres mineurs, mais n’avait point été ordonné ; il avait entrepris des éducations particulières, ainsi chez M. Marilhac négociant à Bordeaux ; il s’était activement mêlé au mouvement royaliste et religieux, dont l’instigateur était M. Alexis de Noailles, à présent réfugié en Suisse. Il avait formé à Bordeaux « une secte de Congréganistes, » dont le dévouement lui était entièrement acquis. Parcourant ensuite les provinces de l’Ouest, il y avait recruté des prosélytes, constituant des associations qui se reliaient à l’Institut philanthropique et à la conspiration du Sud-Ouest. Arrivé à Paris, il y avait continué sa propagande ; il avait fait dans les institutions libres