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un service momentané de place, et ne pouvant, d’après la loi, être employés hors des frontières de l’Empire. Les officiers supérieurs rappelés de la retraite, ou y touchant,. étaient trop vieux et trop fatigués pour faire la guerre ; les jeunes, engagés malgré eux à un service qu’ils avaient le plus possible esquivé, n’avaient aucune expérience, et vivaient dans la terreur de règlements qu’ils connaissaient à peine, et qu’ils craignaient a chaque instant de transgresser. C’étaient là pourtant, ces cohortes, la force principale de la garnison, car il n’y avait guère à compter sur les dépôts d’infanterie fort vides alors, et la gendarmerie d’élite, comme la gendarmerie départementale, était hors de cause. A la vérité, ces forces minimes étaient aux ordres d’un homme qu’on n’intimiderait point facilement, et qui, depuis vingt-trois ans, avait, aux premières loges, assisté ou participé à toutes les révolutions. Et autour de Hulin, des hommes de même espèce, ayant fait à Paris toute leur carrière, et tenant moins à l’armée qu’à la police militaire. Les dépôts de la Garde Impériale, n’étaient point aux ordres d’Hulin, mais du général Deriot ; quant aux troupes chargées, à Saint-Cloud, de la garde de l’Impératrice et du Roi de Rome, elles se trouvaient, aux termes de l’Étiquette, sous le commandement du chevalier d’honneur de Sa Majesté. C’était le comte de Beauharnais, et sa valeur morale était à la hauteur de son activité militaire.

Les cartes étaient donc meilleures qu’elles n’eussent été en 1808. Malet était déterminé à jouer le même jeu, mais il avait perfectionné son plan, et, en écartant tout complice conscient, il s’était garé des dénonciateurs. Il se souvenait du général Guillaume. Par là, dans l’exécution, il ajoutait aux difficultés qui déjà paraissaient insurmontables, une difficulté nouvelle : mais, dès 1808, ne pensait-il pas à n’instruire que presque au dernier moment les généraux qu’il avait destinés pour être ses collaborateurs ? La combinaison reposait tout entière à présent sur un coup de surprise, sur la créance acquise, sur l’ambition et la cupidité satisfaites. Des grades et de l’argent, cela suffirait pour entraîner la plupart des officiers supérieurs de la place et de la garnison. Moyennant un fonds imaginaire de quatre millions, qu’il distribuerait par bons de cent mille francs, moyennant quelques étoiles qu’il ferait tomber sur les épaulettes à graines d’épinard d’un certain nombre de colonels ou