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qui fut, depuis plus d’un siècle, et qui resta, sous la domination allemande, la langue des classes cultivées Dans ce milieu, seuls, quelques jeunes hommes des dernières générations font exception à la règle générale. On trouve également, surtout dans les villes et les villages du vignoble, un grand nombre d’agriculteurs et de simples artisans qui ont encore une connaissance et une pratique suffisantes, pour ne pas dire davantage, du langage d’autrefois. 70 à 80 p. 100 de la population d’Alsace (en Lorraine la proportion est moins forte) n’emploient cependant, dans leurs relations de tous les jours, que le dialecte alsacien. On peut le regretter, mais le fait indéniable est là.

Les gouvernements de la Restauration, de la monarchie de Juillet, et du Second Empire ne s’étaient-ils pas montrés négligents dans la question de la langue en Alsace et dans la Lorraine alémanique ? On l’a prétendu ; mais la discussion rétrospective de cette carence officielle ne présente plus aucun intérêt. Les Allemands n’eurent en tous cas aucune peine à faire disparaître les vestiges très superficiels de l’enseignement français. Il faut d’ailleurs reconnaître qu’ils s’y employèrent avec leur brutalité coutumière. Nous nous trouvons donc, en bien des communes, en présence d’une population pour laquelle le français est une langue complètement ignorée. Il est cependant de toute nécessité que les réintégrés ne croupissent pas indéfiniment dans une ignorance qui les priverait, même au point de vue de leurs intérêts matériels, de tous les avantages du retour à la Mère-Patrie.

Reste à savoir comment on arrivera le mieux et le plus rapidement au résultat souhaité, en tout premier lieu, par les habitants des provinces retrouvées. On a créé des cours d’adultes, mais en nombre insuffisant. Quant à l’école, qui a, elle avant tout, la mission de propager la langue nationale, une polémique ardente s’est engagée sur les méthodes à employer.

Deux théories sont en présence. Les partisans de l’une préconisent l’emploi exclusif de la méthode directe. Les défenseurs de l’autre voudraient qu’on donnât d’abord l’enseignement grammatical dans la langue maternelle et puis que, par voie de comparaison, on en vînt ensuite à l’enseignement du français.

En faveur de la méthode directe semble militer le fait que, dans les cent dix communes alsaciennes occupées depuis 1914 par les troupes françaises, elle a donné d’excellents résultats.