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sang coulait à flots, — mais d’un cœur fortifié par la certitude de la victoire finale. Gouvernements, états-majors, armées, nations, tous les Alliés serraient les rangs, apercevant enfin la décision, la sachant entre leurs mains et souriant déjà à la paix victorieuse. C’était, chacun de nous se le rappelle, l’état d’esprit en ces premiers jours de septembre 1918.

Le grand chef s’en fût senti, — s’il était nécessaire, — confirmé dans sa résolution d’oser toujours plus. Les Américains, d’ailleurs, débarquaient par masses : sous peu, leurs troupes seraient assez nombreuses pour constituer deux armées, et déjà elles avaient une belle place sur l’échiquier où, d’avance, le grand chef jouait sa partie. Il est probable qu’en ce début de septembre, le Commandant en chef des armées alliées commençait à envisager la décision pour une échéance beaucoup plus proche que, même au milieu d’août, il ne la prévoyait. Tout en préparant sagement une campagne de 1919, il n’était pas loin de croire qu’avant la fin de 1918, l’ennemi aux abois demanderait grâce. Il était donc résolu à le pousser vivement dans ses retranchements, — si redoutables qu’ils parussent.

Un retranchement s’attaque ou se tourne. Peut-être Foch n’avait-il d’abord songé qu’à tourner les positions Wotan, Siegfried et Alberick ; mais voyant le maréchal Haig en face des deux premières, le général Fayolle et, sous lui, les généraux Debeney, Humbert et Mangin en face de la troisième, tous disposés à les attaquer de front et résolus à les emporter, il pensait simplement conjuguer, avec une action violente au centre, deux nouvelles attaques aux ailes, et tout combiner pour que, si elle résistait à un assaut frontal, la position fût, à droite comme à gauche, formellement tournée. En tout cas, « cette bataille serait poursuivie et étendue, afin d’en obtenir tous les résultats qu’elle comportait, » écrit-il le 5 septembre au général Wilson, chef d’état-major britannique.

La directive du 3 septembre, qui sortait de ses méditations comme de ses entretiens avec ses lieutenants, ne nous livre qu’une partie de ses projets ; il la faut éclairer d’autres textes pour constater une fois de plus qu’un Foch précède en quelque sorte par la pensée ses propres directives. Et c’est ce qu’il convient de montrer ici.

La directive porte : « Actuellement l’offensive alliée se développe avec succès de la Scarpe à l’Aisne, forçant l’ennemi à