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sont jamais que des approximations successives ; c’est que la science est un perpétuel devenir, avec toute la souplesse sans limite, toutes les possibilités d’une chose que n’enferme aucune armure rigide. A cet égard, il n’est guère de problème plus intéressant et plus suggestif aujourd’hui que celui des vitamines.


On croyait, il n’y a pas bien longtemps encore, qu’en fournissant à l’homme sous forme d’aliments quelconques une certaine quantité d’énergie mesurable au calorimètre, on assurait son équilibre physiologique s’il est adulte, sa croissance s’il est jeune. Certains physiologistes étaient même allés jusqu’à penser qu’on pourrait substituer entièrement à toute alimentation une certaine quantité de chaleur fournie directement à l’organisme par des moyens physiques, par exemple au moyen de courants électriques de haute fréquence.

On sait maintenant que cette conception purement quantitative, purement énergétique de l’alimentation est tout à fait simpliste et insuffisante. S’il est vrai que certaines substances alimentaires comme les sucres et les graisses sont, comme on dit, équipollentes, c’est-à-dire si on peut substituer sans inconvénient les unes aux autres dans l’alimentation, étant entendu que la quantité de chaleur fournie reste la même, il en est tout différemment des substances albuminoïdes. Celles-ci ne peuvent être remplacées par les substances précédentes et une certaine quantité minima en est indispensable à l’homme.

Ce sont les albuminoïdes qui remplacent les tissus usés chez l’homme et les agrandissent chez l’enfant. Ils sont les maçons de l’organisme.

Mes lecteurs n’ont peut-être pas oublié que j’ai indiqué naguère ici-même que ce pouvoir constructif des albuminoïdes est dû à certaines substances appelées acides aminés dont les plus connues sont la lysine et la tryptophane. Ces substances en s’assimilant en proportions diverses et convenables forment l’architecture complexe de nos propres tissus albuminoïdes ou de ceux des autres animaux de même que les pièces d’un jeu de construction enfantin permettent de réaliser plusieurs constructions différentes.

Déjà avec les acides aminés des substances albuminoïdes nous sommes en présence de corps nécessaires qualitativement à notre alimentation. Déjà avec eux nous voyons dans la nourriture une