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Il semble que ce qu’il y aurait à craindre, réellement, ce ne serait pas que les Allemands utilisassent le tunnel, mais, au contraire, qu’ils le détruisissent. Et comment ?

Supposons un sous-marin ennemi reposé sur le fond du détroit[1], en un point favorable et en tout cas reconnu, grâce à des repères pris sur la côte, comme étant exactement sur la ligne que suit le tunnel. Celui-ci est double, donc assez large, ce qui augmente sa vulnérabilité. Le sous-marin en question, sauf à réparer son atmosphère par des procédés connus et qui seront perfectionnés, emploiera pendant tout le temps qu’il voudra des scaphandriers à forer un puits de mine qui aboutira sans peine à la maçonnerie de voûte. Un explosif particulièrement violent, — comme on en recherche d’ores et déjà dans les laboratoires allemands, — fera le reste, grâce à l’inflammation électrique commandée à distance convenable, ou au moyen d’un détonateur à temps.

Tel est le schéma, à peine esquissé, d’une opération dont il est inutile de rechercher les modalités diverses. Il faut avoir la prudence de se borner dans les spéculations de ce genre. Soyons assurés seulement qu’il n’y a rien dans tout cela qui ne soit réalisable pour des esprits ingénieux et des tempéraments tenaces, qu’aucune difficulté ne rebute, qu’aucun échec ne décourage.

Par quels moyens, maintenant, pourrait-on faire obstacle aux entreprises de ce genre ?

Évidemment la projection de la ligne du tunnel sur la surface de la mer sera activement surveillée. Si le temps est calme, il est probable que quelque indice, — bulles affleurant à la surface, par exemple, — pourra déceler la présence du sous-marin. S’il y a de la mer, ou seulement un peu d’agitation, cette indication manquera. Peut-être se résoudra-t-on à faire garder la ligne du tunnel sur le fond même, au moyen de sous-marins progressant tant bien que mal avec des roues ou des chaînes analogues à celles des tanks. Que l’on ne crie pas ici au « Jules Verne ! » Il y a déjà d’assez longues années que

  1. On sait que les Allemands ont déjà employé ce moyen de faire reposer leurs équipages et aussi de déjouer toute recherche. Mais, bien entendu, tout ceci ne peut s’appliquer qu’à des fonds médiocres, au plus, ceux de 45 à 50m. Sur le trajet du tunnel, il y en a naturellement de toutes sortes, mais qui ne dépassent pas 50m, sauf pour une « fosse » de largeur médiocre et parfaitement délimitée.