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rêve inespéré d’héroïsme. Et, jusqu’en 1665 où nous trouverons Bossuet intervenant, on y marcha dans un crescendo d’enthousiasme.

Disons tout de suite, pour être complet, que cette exaltation intime est en outre fomentée du dehors. Les « messieurs » ont beau blâmer ou déplorer, ils ne peuvent pas ne pas admirer, ne pas se demander si leur prudence à eux n’est pas trop humaine et si le doigt de Dieu n’est pas là. Et alors, paraissent les Apologies de Nicole et d’Arnauld, et ce Traité de la Constance où l’obscur abbé Le Roy de Hautel’ontaine expose avec calme toute une doctrine de révolution.

Toutefois ce qui, surtout, sert de réconfort à ces religieuses, c’est cet Ancien Testament où les persécutés de tous les temps et de toutes les sectes ont toujours trouvé aliments et flamme. Quand on veut leur persuader que, sans péché, elles peuvent souscrire au contraire de ce qu’elles pensent, le Psalmiste dicte leur refus : Liberasti corpus meum a laqueo linguae iniquae. « Vous m’avez délivré des pièges de la langue injuste, » et ma sincérité va me sauver. — Quand les prêtres délégués de l’archevêque cherchent à les effrayer au nom du Roi, David réplique encore pour elles : « J’ai parlé de vos commandements en présence des Princes et je n’ai point été confondu : « Loquebar de testimoniis tuis in conspectu regum et non confundebar. » — A qui leur oppose la sagesse circonspecte des docteurs, elles répondent avec l’Ecclésiastique (XIII, 10) : « Ne vous humiliez pas dans votre sagesse ; la sagesse humiliée ne conseille que folie. » — Aux formalistes que les « choses jugées » intimident, elles rappellent la chaste Suzanne, condamnée par les Anciens et Juges du Peuple trompés : elle « jeta un grand cri » et fut justifiée par le Dieu éternel. — « Le devoir des servantes de Dieu est changé, écrit la sœur Angélique de Saint-Jean. Il ne s’agit plus de bonnes œuvres, comme en paix ; « c’est la persécution à repousser, c’est le combat voulu par Dieu. Or, quand en Israël les hommes apeurés s’y dérobent, Débora la prophétesse s’élève, et se fait juge, et se fait général, et triomphe. Et quand les princes et officiers de l’armée d’Achab tardent à entrer en ligne, ce sont leurs valets, prêts les premiers, qui tout seuls gagnent la bataille. Voilà quels enseignements et quels modèles l’Écriture offre aux femmes et aux faibles... Parfois même, en ce trésor de la Bible, qui les ravitaille, elles trouvent,