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Cette fois, le Jansénisme était pleinement et définitivement proscrit par le pouvoir séculier. Cette fois, les condamnations ecclésiastiques, romaines ou françaises, de la doctrine de Jansénius passaient loi du royaume avec pénalités idoines, au maximum ; l’obstination janséniste devenait un délit d’État. Dorénavant les bons catholiques, nombreux, qu’avaient séduits et plus ou moins conquis, dans l’ardeur de la contre-réformation catholique, l’austérité de la morale saint-cyranienne et la rigidité même des dogmes de l’Augustinus, ne pouvaient plus abriter leurs préférences d’âme dans l’ombre de ces petites chapelles que l’Église de Rome, elle, sagement, avait condamnées sans demander qu’on les démolit : — l’État, lui, d’un coup massif, en les acculant à la rétractation, les écrasait.

Du mécontentement produit dans l’Église française par cette contrainte, quoique beaucoup de documents subsistent, nous n’avons pas à craindre de nous faire cette fois une excessive idée. Car les intérêts, on le voit, étaient lésés comme les consciences. Le clergé se recrutait, en ce temps-là plus qu’à présent, dans la bourgeoisie petite ou grande ; « l’exaction de la signature » déconcertait des croyances raisonnées, réfléchies, blessait l’honneur d’hommes cultivés qui avaient le juste souci de leur dignité de conscience. Mais de plus, que d’honnêtes gens, de toute condition, cherchaient alors dans l’Église, avec les moyens du salut, les ressources de la vie ! Le Formulaire menaçait les situations acquises, et décourageait les vocations. Plus on connaîtra le détail de la vie religieuse en France au XVIIe et au XVIIIe siècle, mieux on se rendra compte du mal qu’a fait à l’Église française l’application de cet instrument, agnostique et brutal, de pacification. Les germes de dissociation ou de révolte qu’il jeta, surtout dans le second ordre du clergé, le plus nombreux, tout le XVIIIe siècle les fit éclore ; 1789 les fera exploser.


IV. — PORT-ROYAL ET LE FORMULAIRE JUSQU’EN 1664.

Les deux couvents de Port-Royal, celui de Paris et celui des Champs, furent des premiers à protester. Les religieuses étaient sujettes, aussi bien que les religieux, à la loi nouvelle. Et la cause en question n’était-elle pas spécialement la cause des Bénédictines du Saint-Sacrement ? L’entreprise et l’œuvre de Saint-Cyran, de Jansénius et d’Arnauld n’avait-elle pas