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exercer, sur le plus grand théâtre Je la vie religieuse du royaume, sous les auspices de saint Vincent de Paul et dans la faveur du milieu dévot prévenu, une éloquence attendue.

A ces appels ou réquisitions les vétilleux censeurs de Bossuet voudraient-ils qu’il se fût dérobé ? On doit faire valoir son talent, dit l’Évangile. Puis ce déplacement d’activité n’avait rien d’une illégale défection. Si par son bénéfice canonial Bossuet relevait de Metz, par son ordination sacerdotale il appartenait au diocèse de Paris.

Et puis, enfin, il faut tout dire.

Les histoires de Metz ou les documents officiels nous font connaître l’état où l’église de cette ville se trouvait alors D’étranges scènes, depuis 1652, s’y passaient. Mgr le duc de Verneuil avait, cette année-là, pour prendre femme, résigné son bénéfice épiscopal. Aussitôt les chanoines, délivrés de la crainte de fâcher le cousin du Roi, se lancent sans retenue dans cette guerre anti-épiscopale qui partout était la manie et la joie des chapitres. Ils avaient le champ libre. Point d’évêque titulaire devant eux. Ç’aurait pu être Mazarin, en faveur de qui Henri de Verneuil s’était démis, mais Rome n’avait pas voulu lui accorder de bulles. Le siège messin n’était donc occupé que par le suffragant choisi , et laissé par Henri de Verneuil, le bénédictin dom Bédacier, évêque in partibus d’Auguste, brave homme d’administrateur et religieux édifiant, mais vieillissant, sur qui l’on pouvait dauber sans péril. Un redoutable jouteur, messire Claude Bruillart de Coursan, à qui donnait pouvoir et audace sa dignité de primicier ou princier du Chapitre, menait la campagne. Au commencement de 1658, les attaques se firent furieuses. Elles n’allaient à rien moins qu’à renverser comme « scandaleuse » la suffragance, — comme « illégitime » le vicariat général, — de Bédacier. En attendant de faire sauter cet évêque, on le déshabillait. On représentait au Parlement que ce petit moine n’avait droit qu’au surplis et au mantelet et point au rochet et au camail. Et en plein temps de mission, tandis que les Messieurs de Saint-Lazare s’évertuaient à rétablir dans le troupeau messin la vie chrétienne, les chanoines complotaient d’interdire à l’évêque « intérimaire, » qu’ils voulaient jeter par-dessus bord, de célébrer la messe in pontificalibus sans leur permission ! Et ils réussissaient, en cette entreprise qui aujourd’hui nous paraîtrait choquante. Ils y réussissaient