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lui la rivière et le talonnant vivement, l’avait, en endommageant ses arrière-gardes, reconduit jusqu’à l’Aisne.


Ainsi se terminait par un repli considérable de l’ennemi sur tout le front de l’Artois à la Champagne, la bataille dé Picardie. Chassé des positions conquises au printemps précédent, l’Allemand avait perdu, à la date du 8 septembre, à peu près tout le bénéfice des journées, — pour nous si funestes, des 21 mars et 27 mai 1918.

C’est ce qu’avait voulu le Commandant en chef des armées Alliées, lorsqu’ayant ressaisi, le 18 juillet 1918, l’initiative des opérations, il avait décidé de frapper l’ennemi aux points sensibles et, après l’avoir battu, de le contraindre à vider les lieux Sous la poussée de deux armées, — l’une anglaise, l’autre française — l’ennemi surpris avait dû tout d’abord rétrograder en mauvais arroi vers les anciennes lignes de 1914 dont jadis, en 1916, deux armées alliées déjà l’avaient chassé. De nouveau, il les lui fallait abandonner non plus sous une poussée frontale violente, mais par suite d’une des plus grandioses manœuvres que l’histoire eût à enregistrer. Battu entre la Somme et la Scarpe par les armées britanniques, battu entre l’Aisne et l’Oise par les armées françaises, il avait vu la bataille s’étendre et le déborder pour l’étreindre, et dû, pour se dérober à cette dangereuse étreinte, renoncer à ses conquêtes de mars 1918. Menacé dans la région de l’Aisne par l’opération à deux fins de la 10e armée française, il lui avait fallu, par surcroît, chercher sur les collines de l’Aisne, le refuge qu’il y avait, de si longues années, trouvé, tandis que, plus au Nord, il n’en trouvait un que dans cette position Hindenburg où, en 1917, il s’était pour un an terré, d’où il s’était, en mars 1918, élancé avec tant d’espoir et où il était finalement rejeté en mauvais arroi dans ces premiers jours de septembre 1918. Il revenait ainsi de toutes parts à ses positions de départ, battu en dix rencontres laissant entre nos mains plus de 100 000 prisonniers, des milliers de canons, un matériel énorme.

Peut-être cette éclatante défaite eût-elle été réparable si sur ces positions il n’était, par surcroît, revenu plus moralement encore que matériellement vaincu. Dans ces champs de la Somme s’était écroulé un rêve immense, et c’étaient ses débris