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Il les persuadera. Car au service de principes fermes et d’idées claires, il met cette force de persuasion, si singulière chez un homme qui volontiers dit : « Parler n’est pas mon fort. » Nous savons qu’il n’est ni lyrique, ni pathétique. Il a horreur de la grande phrase. Mais il est la preuve que « ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement ; » il expose avec simplicité, avec un grand accent de bon sens, bien calé sur ses « principes, » mais tout prêt à se plier, suivant ses termes, à la « demande des circonstances, » — pour les mieux maîtriser. Il appelle l’objection ; il la veut ; s’il voit un de ses lieutenants hésitant, il exige les mobiles de l’hésitation ; s’il le voit opposant, il sollicite les raisons de l’opposition. Et s’il s’aperçoit qu’il n’y a là que crainte de courir le risque, il dit : « Voilà ce que je pense, voilà ce que vous pensez. Voulez-vous me faire crédit ? Oui ? Alors, voici ce qu’il faut faire. »

Il a alors tiré un papier soigneusement préparé. En l’espèce, c’est le mémoire du 24 juillet où, tandis que le canon tonne encore sur la Marne, tient déjà le programme des offensives futures, et sur la Somme, et sur la Meuse, et sur la Lys : au centre, à droite, à gauche. Encore n’a-t-il pas mis là tout ce qu’il prévoit, projette, tient déjà pour assuré. Car s’il ajoute qu’il est impossible de prévoir dès maintenant « jusqu’où nous conduiront dans l’espace et dans le temps les différentes opérations envisagées, » il se trahit lorsqu’il conclut : « Si les résultats qu’elles (ces opérations) visent sont atteints avant que la saison soit trop avancée, il y a lieu de prévoir, dès maintenant, pour la fin de l’été ou pour l’automne, une offensive d’importance, de nature à augmenter nos avantages et à ne pas laisser de répit à l’ennemi. »

Présentement, il faut attaquer cet ennemi non point seulement pour l’empêcher de reprendre son assiette, mais aussi pour obtenir des résultats immédiats et conséquents.

Sans que la supériorité soit encore de notre côté en tant que nombre de divisions, nous avons déjà atteint au moins l’égalité dans le nombre des bataillons et d’une manière générale dans le nombre des combattants. Pour la première fois, nous avons la supériorité dans le nombre des réserves Nous avons maintenant, — et cela d’une indiscutable façon, — la supériorité matérielle, en aviation, en chars d’assaut, et celle de l’artillerie, encore minime, va s’accroître de semaine en