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les indigènes, et pour la laine. Cette évolution sera certainement hâlée par les propriétaires : on sait combien pèse sur notre industrie et sur notre économie quotidienne la pauvreté du stock mondial des laines : l’Afrique méditerranéenne doit nous affranchir partiellement du tribut que nous payons à l’Australie ainsi qu’à l’Argentine, et qu’aggrave sur ces longs trajets la pauvreté du tonnage français.

En revanche, l’usage de la viande congelée des moutons d’Algérie s’est déjà répandu chez nous pendant la guerre. Les applications du froid industriel, étudiées dès 1862 en France par Charles Tellier, ont enrichi d’abord des étrangers ; sans la libéralité reconnaissante de quelques propriétaires sud-américains, l’inventeur lui-même fût mort dans la misère. Alors que en 1916 les Américains du Nord possédaient plus de 800 exploitations frigorifiques et les Anglais près de 400 navires pourvus de cales isothermes, la France était à peu près entièrement démunie, tant pour la fabrication que pour les transports. Nous avons heureusement réalisé quelques progrès récents : l’Association française du froid propage des idées pratiques, organise tout un enseignement technique pour « ingénieurs frigoristes. » A Alger des entrepôts frigorifiques ont été construits, où furent déposées par milliers les carcasses de moutons destinées à la métropole ; des groupements sont en préparation, qui réunissent tous les intéressés, depuis le pasteur indigène des hauts-plateaux jusqu’au consommateur des grandes agglomérations urbaines de France.

Les céréales nord-africaines ne sont pas exactement celles de la métropole ; les espèces les plus appréciées sont des blés durs, recherchés pour l’élaboration des pâtes alimentaires, et depuis longtemps connus, notamment des usiniers de Marseille. Les districts arrosés du Tell sont d’admirables champs de céréales, environs de Tunis, plateaux de Sétif où dix mille ouvriers temporaires se rassemblent au moment de la moisson, plaines de Sidi-bel-Abbès, où se sont fondées sur la minoterie quelques-unes des plus belles fortunes de l’Algérie. Au Maroc, la Chaouïa possède des tirs, comparables aux meilleures terres noires de la Russie méridionale, et toutes désignées pour remplacer les récoltes des territoires stérilisés par les bolcheviks ; là il est loisible de labourer profondément avec des machines modernes, ainsi qu’on le faisait avant la guerre dans nos départements du Nord.