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se passer de travailleurs noirs dans ses régions méridionales, et jaunes dans ses provinces de l’Ouest ; mais les noirs sont déjà des citoyens et les immigrants jaunes n’appartiennent pas, comme les indigènes du centre africain et de l’Océanie, à des races encore non dégrossies. Les Britanniques forment, tout autour du globe, cette « constellation de nations libres » dont s’enorgueillissait le grand Old man canadien, sir Wilfrid Laurier ; ce sont des pionniers de leur race qui transforment les bois et les prairies canadiennes, le veldt de l’Afrique Australe, les steppes d’Australie, les collines au sol volcanique de la Nouvelle-Zélande. Les Nippons touchent directement aux pêcheries et aux forêts de Sakhaline, aux sucrières et aux camphrières de Formose. Pour ces peuples donc le problème de la production coloniale ne pose pas immédiatement une question préalable, l’éducation des indigènes ; celle-ci même ne saurait être utilement poursuivie, si les directeurs métropolitains ne connaissaient exactement l’économie naturelle des colonies et n’avaient arrêté un plan pour en assurer l’essor : tels sont les premiers termes du problème colonial français.

Une circonstance particulière nous invite à nous hâter, c’est la dépendance où nous nous trouvons vis-à-vis de certains de nos Alliés pour la fourniture des denrées alimentaires et des matières premières nécessaires à notre vie nationale. L’une des discussions interalliées les plus difficiles a été celle où nos représentants se sont efforcés d’expliquer à nos partenaires comment la restauration de la France commande la livraison privilégiée d’éléments matériels de travail, plus que d’objets fabriqués. Il nous faut pour rentrer dans la lice mondiale en conditions loyales de fair play, pourvoir nos ouvriers et nos usines de telle manière que nous rétablissions une exportation normale et, par là, la solidité de notre change. On disait avant la guerre que la France laborieuse et épargnante était le banquier des Nations ; l’agression allemande l’a forcée à réaliser le capital, placé à l’étranger pour bonne partie, qui représentait les économies de plusieurs générations ; si demain elle est à même de tirer de son propre domaine de quoi relever son activité industrielle et son commerce extérieur, elle n’a plus à faire appel à des vendeurs étrangers qui ne prendront de monnaie qu’au cours international des changes, elle renforce d’autant son crédit pour les achats indispensables hors de son territoire.