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Sire, que je serai approuvé par Votre Majesté. Le sieur Jacquemont est, à mon avis, aussi et même plus coupable que le général Malet, car celui-ci n’aurait point agi comme il l’a fait et n’aurait point cherché des coopérateurs, si la conversation qu’il a eue avec Jacquemont chez Florent-Guyot, et dont celui-ci convient dans son interrogatoire, n’avait point échauffé sa mauvaise tête et augmenté ses coupables désirs, (que Jacquemont a peut-être fait naître en lui citant les sénateurs mécontents. Le sénateur Destutt-Tracy est venu me demander à parler au sieur Jacquemont. Il m’a dit venir de la part du ministre) [1]. »

Dubois n’a point voulu, par ménagement ou par crainte, transcrire cette dernière phrase qui eût trop nettement découvert Fouché. Mais il annonce qu’il a remis au prince archi-chancelier et au sénateur ministre de la Police le rapport général de toute l’affaire, avec copie de tous les interrogatoires et pièces à l’appui.

L’archi-chancelier s’empresse d’envoyer à l’Empereur le récit, d’ailleurs très exact et très minutieux, qu’a rédigé Dubois ; mais Fouché s’ingénie à brouiller les cartes, à empêcher Dubois de pénétrer plus avant. Il a sans doute affaire à forte partie, car l’Empereur, avant même qu’il ait reçu la lettre que le préfet de Police lui a adressée, a écrit le 17 à Cambacérès : « Je reçois votre lettre du 13. L’interrogatoire de Florent-Guyot et de Jacquemont m’a frappé ; prenez-en, je vous prie, connaissance. Cette affaire mérite d’être suivie. Jacquemont nie tout, non seulement ce que dit Malet, mais ce que dit Florent-Guyot. Cet homme trempe visiblement dans un complot... Je vous prie de faire une enquête sur les personnes qui voyaient journellement ce Jacquemont. Faites venir le préfet de Police et témoignez-lui ma satisfaction de l’activité qu’il met dans la poursuite de ce complot. Recommandez-lui, en dehors de ce qu’il m’écrit, de vous rendre compte tous les jours, et dirigez-le par vos conseils et par votre prudence. Il est nécessaire que vous parliez de toutes ces affaires au conseiller d’État Pelet. »

Il ajoute, et ceci montre quel est le caractère de ses préoccupations : « On m’assure qu’on tient chez Fouché les propos les plus extravagants. Depuis les bruits sur le divorce, on dit

  1. Rayé sur la minute.