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de Demaillot et de Guillaume, il avait quitté, le 8, à six heures du soir, son domicile de la rue des Saints-Pères. Il était allé passer la nuit à l’hôtel d’Orient, rue Saint-Dominique, où il s’était présenté sous le nom de Laboulée. A neuf heures, il s’était rendu 21, rue Poissonnière, chez son ami Ricard auquel il avait annoncé qu’il se réfugiait chez son ancien aide de camp Poilpré, rue Croulebarbe, derrière les Gobelins. Poilpré était couché lorsque Malet arriva vers midi, et son premier mot fut de dire : « Parbleu ! mon cher général, vous êtes bien bon de venir de si loin visiter un pauvre malade. » Ce fut à la réponse que lui fit le général qu’il jugea son inquiétude. Il sortit pour rassurer Mme Malet, mais elle était surveillée, et il fut mis en arrestation. Chez Ricard, des inspecteurs de police avaient trouvé sur un chiffon de papier l’adresse de la rue Croulebarbe. Ils s’y rendirent, demandèrent Malet. Le portier et les domestiques convinrent bien que le général était venu le matin, mais ils soutinrent que sa femme était venue le voir et qu’elle l’avait emmené. Malgré que cette assertion parût très vraisemblable, le commissaire de police et les officiers de paix qui l’accompagnaient firent battre les jardins par les inspecteurs, et le général vint de lui-même tomber dans leurs mains.

La police avait saisi chez lui un fusil à deux coups, deux espingoles, une carabine à deux coups, deux pistolets dits espingoles, et deux pistolets d’arçon. Ce n’était peut-être pas de quoi l’inculper positivement, mais c’était de quoi donner à réfléchir. Le 40, on en était encore là. L’archi-chancelier demandait à Dubois des détails : « Je suis parfaitement rassuré, disait-il, mais comme je veux écrire à l’Empereur, je souhaite d’avoir de votre part, dans la journée, un rapport plus étendu, tant sur les projets que sur les moyens d’exécution des malveillants. »

A ce moment, Dubois ne pouvait répondre, mais le lendemain 11, par l’interrogatoire de Malet, tout s’éclaira. Malet ne fit aucune difficulté à prononcer les noms d’hommes que nul de ses complices ne connaissait, et qui, de beaucoup, dépassaient les obscurs figurants que la police avait arrêtés. Ces hommes-là, Florent-Guyot et Jacquemont, par leur passé politique, par les places qu’ils occupaient, par leurs relations dans les milieux gouvernementaux, étaient à classer à part. Dans quel dessein, pour quel intérêt Malet avait-il jugé à propos de livrer spontanément,