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trouver. Lemare, au premier indice, avait pris l’air, et s’était tourné vers l’Allemagne [1] d’où il ne revint qu’en janvier 1814, alors qu’on avait autre chose à faire que le rechercher. Les poignards et les proclamations, pièces à conviction inappréciables, demeurèrent mystérieusement cachées jusqu’à la chute de l’Empire.

Ainsi, Eve Demaillot n’avait pas si grand tort lorsqu’il se méfiait des militaires et qu’il le disait à Guillaume avec la brutalité qui lui était naturelle. Dès le 8, Guillaume avait livré tous les noms qu’il avait entendu prononcer ; mais il fallait qu’on attrapât Malet, qui n’était point encore arrêté, lorsque, le 9, Dubois rendit compte à l’Empereur de ses premières découvertes, lesquelles portaient surtout sur des officiers en réforme.

Le 13, l’Empereur écrit à Fouché : « Vous ne me rendez pas un compte clair du complot anarchique. Il est certain que Malet, Guillet et d’autres généraux qui étaient à Paris, tramaient un complot ; moi-même, j’en suis instruit depuis un mois. Il est difficile qu’il y ait un plus mauvais sujet que ce Malet. Faites arrêter sans bruit et sans éclat tous ces tripotages. »

Le même jour, au ministre de la Guerre, envisageant le complot toujours uniquement du côté militaire : « Les généraux Malet, Guillet, Dutertre et quelques anciens officiers de cette trempe paraissent avoir tramé un complot que la police a déjoué et dont elle a fait arrêter les auteurs. Faites une enquête d’après la liste des officiers réformés qui sont payés à Paris et dans la première division militaire, et notez tous ceux qui sont dans cet esprit... Il ne faut faire aucun éclat de ces misérables anarchistes, car rien que l’idée qu’ils existent encore suffirait pour inquiéter et troubler la tranquillité. » Mais il donne des ordres positifs pour assainir Paris de tous les officiers réformés qui avaient toujours passé pour être opposés au gouvernement, pour envoyer à l’armée tous les officiers en activité et pour ne les point souffrir sous prétexte de service.

Mais, le 9, Malet a été arrêté. Sur la nouvelle de l’arrestation

  1. Les indications qu’il donne dans sa brochure sur la façon dont il vécut durant son long exil et qui semblent fort mystérieuses se trouvent éclairées par ceci : « Il était allé étudier la médecine à Montpellier sous le nom de Jacquet, et avait obtenu sous ce nom un emploi de chirurgien aide-major. Il fit toutes ces campagnes sous ce nom, de 1809 à 1814, et lut, durant la campagne de Russie, avancé chirurgien major. »