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lui faire signer « tout ce qu’il jugerait nécessaire, » et d’abord l’ordre à tous les grands fonctionnaires de se rendre chez l’archi-chancelier ; ceux-ci, arrivés, seraient, eux aussi, séquestrés dans l’hôtel et ne manqueraient point de signer toutes les circulaires nécessaires « pour l’instruction des départements et pour la convocation des autorités de Paris, le Sénat à la tête. Ce corps s’assemblant aussitôt et régularisant tout ce qui aurait été fait en son nom, rendrait véritable, en le confirmant, le Sénatus-Consulte pour lequel on avait été obligé de se passer de lui. »

Pour les autres conspirateurs, leur rôle était encore médiocrement tracé. Le général Guillet devait venir se faire reconnaître à l’École militaire par les troupes qui s’y trouvaient assemblées ; Baudement devait être installé à la police par le générai Guillaume ; mais on était si peu sur de Guillaume qu’on ne l’avait pas mis, plus que Guillet, dans la confidence du projet. Et ce projet pourtant devait être exécuté à date fixe : le Sénatus-Consulte portait la date du 20 avril. On pouvait dire que la délibération était restée secrète et qu’on la publiait seulement : mais comment faire pour le décret daté du 29 mai, pour l’ordre du jour daté du 30, si le 30 au matin rien n’avait paru : comment se présenter le 31 à la troupe avec un ordre du jour de la veille, — périmé ?

Quatre jours avant le jour fixé pour l’exécution, on se décida à initier Guillaume et Guillet à ce qu’on attendait d’eux. On les réunit donc un soir à l’Athénée de Lemare. Malet donna lecture du Sénatus-Consulte et des proclamations. Guillaume posa plusieurs questions qui pouvaient être innocentes, mais qui parurent singulières à Corneille, à Mme Lemare et à Malet lui-même. Sur des signes qu’ils se firent, la séance fut levée. On se consulta, on tomba d’accord que tout était à craindre « et qu’il fallait suspendre l’affaire parce que l’opinion publique se déclarait trop favorablement pour le projet, et d’ailleurs parce qu’on était encore inquiet sur les dispositions de six mille hommes de la Garde impériale qui se trouvaient encore à Paris, et dont trois corps étaient commandés par des compatriotes du général Guillet. » Dans la nuit, Lemare avec sa femme et Rigomer Bazin porta les poignards et les imprimés chez un honnête voisin, nommé Tibierge, qu’il avait fallu initier au secret.

On s’était séparé en disant à Guillaume qu’on renonçait à