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30 juillet, le général en chef des armées alliées s’était rendu chez le commandant de la 10e armée ; celui-ci plaida « sa cause » avec sa vivacité coutumière ; il reçut carte blanche ; la 10e armée donnerait son nouveau coup de bélier. La 5e armée était, d’autre part, avertie qu’elle aurait à pousser vivement l’ennemi, ébranlé par le nouveau coup donné entre Soissons et Fère-en-Tardenois.

Dès le 30, Mangin préparait son action : le 2, les 30e et 11e corps ouvraient la brèche entre l’Orme de Grand-Rozoy et Servenay, et ce premier assaut, suivant les prédictions du général, ébranlait assez l’ennemi pour qu’il abandonnât, dans la nuit du 1er au 2, le mont Laven, les bois d’Arcy et Rugny où notre cavalerie entrait le 2, dès 9 heures, tandis que le 20e corps atteignait les Bovettes et Droisy, dépassait Buzency et franchissait la Crise en direction du plateau d’Ambrief ; cependant, à gauche, le 1er corps, enlevant Noyant et Acouin, gravissait les hauteurs de Belleu-Mercin. Le général Mangin voyait s’ouvrir le chemin de Soissons, dont il attaquait les faubourgs, comme celui de Mont Notre-Dame dominant la basse Vesle. Il comptait bien être, le lendemain, maître du champ ouvert à ses soldats : « En avant ! La victoire du 1er août achève celle du 18 juillet et se termine en poursuite !... Ce soir, il faut que la 10e armée soit sur la Vesle, » criait-il, dès 10 heures, à ses soldats. Avant même que l’ordre parvint, la poursuite se faisait pressante, talonnante, parfois pénétranle. A 19 heures, les bataillons de chasseurs de la 11e division étaient dans la partie Sud de Soissons ; notre infanterie atteignait Billy-sur-Aisne, Ecury, Nampteuil, Maast-et-Violaine. On voyait s’élever les flammes vers le Nord. Les Allemands, rejetés de l’autre côté de l’Aisne, incendiaient les ponts de Soissons et de Venizel ; l’air était obscurci par la fumée des explosions ; plus à l’Est, les ponts de la Vesle sautaient ; des incendies s’apercevaient à Fismes, Bazoches et Braisnes ; l’ennemi essayait de détruire le matériel considérable qu’il ne pouvait plus emporter. D’autre part, il fallait surprendre les passages de la Vesle. « Les généraux de division dirigeront eux-mêmes les mouvements de leurs unités en tête des gros, » et cet ordre de Mangin marquait bien le nouveau caractère que tous les jours prenait la campagne. L’armée devait poursuivre sans arrêt ses succès : il fallait prendre pied sur les plateaux découverts entre Maast-et-Violaine