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partie de sa mise ; en vain essayait-il, par d’incroyables communiqués à la presse allemande, de faire illusion à l’opinion ; en vain l’abandon de la rive gauche de la Marne était-il célébré à l’égal d’une « des plus grandes victoires allemandes : » nul ne doutait que, dès cette heure, la Victoire eût changé de camp ; les soldats allemands engages dans la bataille déjà ne se faisaient plus d’illusions. Lorsque, repoussés avec d’effroyables pertes sur le front Berthelot, défoncés entre la région de Soissons et celle de Château-Thierry par Mangin et Degoutte, ils repassaient la Marne sous la menace de Mitry, ils pressentaient, — les correspondances saisies en font foi, — que l’heure des revers avait sonné et prévoyaient qu’elle n’était que la première d’une longue série de jours malheureux. Un soldat alsacien qui servait dans une batterie alors engagée, m’a depuis conté que, le soir du 18 juillet, un camarade allemand lui dit : « De ce coup-là, tu vas redevenir Français ! » Les dépêches Wolf elles-mêmes ne pouvaient couvrir de leurs mensonges la trop parlante réalité.


L’ALLEMAND DÉFEND SES FLANCS

Foch tenait le succès : le 18 juillet était bien sa victoire ; la contre-offensive avait frappé, à l’heure qu’il avait arrêtée, l’ennemi en défaut ; parce qu’il l’avait de longue date préparée et que, contre vents et marées, il avait entendu qu’elle se déclenchât, il était autorisé à en revendiquer l’honneur ; il ne triomphait point, sachant tout ce qui restait à faire pour que de cette victoire locale sortît la victoire décisive ; qu’elle en sortît un jour, lointain ou prochain, il n’en doutait pas ; sa confiance, imperturbable aux heures troubles, se fortifiait maintenant du succès dû non point du tout à une heureuse rencontre, mais à une prévision de toutes les heures. Maintenant cette prévision s’exerçait déjà sur un plus vaste champ et son esprit devançait l’événement.

L’Allemand allait à coup sûr se replier : Foch travaillait à rendre ce repli difficile, à faire rendre à la victoire d’entre Aisne et Marne tous ses fruits utiles ; mais suivant sa formule favorite, de quoi s’agissait-il ? De jeter l’Allemand non point seulement hors de la poche de l’Aisne, mais hors de France. Il avait entendu que toute la Coalition participât à la bataille entre Aisne et Marne, parce que c’était bien là que se jouait la