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qu’on déchaînât « la chasse en grand pour nettoyer le ciel. » Celui-ci incontinent s’emplissait de nos avions. Pour la première fois, la division aérienne donnait toute sa mesure. Trois « étages de patrouilles » s’avançaient : une escadrille à haute altitude s’en prenait à l’aviation de chasse allemande ; deux, à 2 000 mètres, attaquaient l’aviation d’observation ; une, volant bas, mitraillait les troupes en marche. L’aviation de bombardement semait la terreur à l’arrière de l’ennemi, troublait ses communications, notamment à Fère en Tardenois. Des combats s’engageaient dans le ciel, qui, à la fin de la journée, était « nettoyé. »

On nettoyait aussi la terre : l’Allemand affolé tourbillonnait, lâchant pied en maints points dans un état de désarroi insolite ; entre 8 h. 50 et 9 h. 30, Missy-aux-Bois dépassé, la 1re division du Maroc était arrivée en face de Chaudun où les chars d’assaut faisaient merveille. Déjà les Américains fonçaient sur Vierzy, à 10 kilomètres de leur ligne de départ. Ils y entraient avant 11 heures, tandis qu’à la droite, Louatres, Villers-Hélon et le bois de Maulay étaient dépassés. A 17 heures, la ligne allemande était rompue, et Mangin pouvait donner au 2e corps de cavalerie l’ordre d’ouvrir à l’infanterie la route d’Oulchy-le-Château, moment historique où la cavalerie française reprenait enfin sa vraie place dans la bataille. A cette heure, le front passait par Pernant, le plateau à l’Est de Saconin et Breuil, Chaudun, Vierzy, le bois de Maulay, Villers-Helon, le Buisson de Hautvison, Ancienneville, Noroy-sur-Ourcq où il se liait, par-dessus la petite rivière, à la 6e armée, elle aussi portée fort en avant.

Elle s’était, après une préparation d’artillerie d’une heure trente, élancée à l’assaut dans les mêmes conditions. Un Degoutte, plus froid d’apparence qu’un Mangin, l’égale en secrète ardeur ; jeune, énergique à miracle, l’ancien commandant de la division du Maroc et du 21e corps n’est pas homme à se laisser distancer, fût-ce par un Mangin. Et c’est, entre les deux frères d’armes, une belle lutte d’émulation dont les Allemands vont payer les frais. La 6e armée avait enlevé par surprise les avant-postes ennemis au moment même où se déclenchait le tir de l’artillerie sur la position de résistance allemande, puis tout le front s’était ébranlé de Troesnes (sur l’Ourcq) à Bouresches (Nord de Château-Thierry), 147 chars d’assaut appuyant une magnifique infanterie. Dès 10 heures,