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L’OFFENSIVE FRANÇAISE DU 18 JUILLET

La situation en somme se présentait pour nous, le 17 au soir, de la façon la plus favorable. Sans doute certains pessimistes fronçaient-ils le sourcil devant le passage de la Marne par L4ennemi, sa poussée vers Epernay et ses quelques assauts heureux sur les pentes Ouest de la Montagne de Reims, mais ceux qui étaient au fait de la contre-offensive, depuis des semaines préparée sur le flanc de l’adversaire, jugeaient déjà que, loin d’aggraver pour nous la situation, l’avance de l’ennemi au delà de la Marne créait pour celui-ci un danger de plus. Arrêté net par Gouraud entre Reims et l’Argonne, n’ayant donc pu réaliser la partie essentielle de son programme, l’encerclement de la Montagne de Reims et l’occupation de la Marne jusqu’à Châlons, l’ennemi n’avait fait qu’approfondir de cinq kilomètres vers le Sud la poche creusée du 27 au 31 mai. Plus cette poche était profonde, plus le risque devenait grand pour les armées allemandes aventurées. Reims tenant bon, la reprise de Soissons constituerait une menace d’autant plus grave que l’ennemi avait encore avancé vers le Sud sa ligne de bataille.

Foch n’était point de ceux qu’inquiétait cette avance. Il jugeait négligeable, — à condition qu’elle fût maintenue à l’Ouest d’Epernay, — la poussée allemande au delà de la Marne et il n’y voyait qu’une raison de persister à tout prix dans ses projets de contre-offensive, d’en presser l’exécution et de grossir les forces qui en étaient chargées. Il est né manœuvrier et nous savons que l’offensive lui a toujours paru le meilleur procédé défensif. Ce ne serait pas entre Château-Thierry et Reuil-sur-Marne que la Marne serait reconquise, mais sur les plateaux entre Ourcq et Aisne. La poche se viderait fatalement si le coup de bistouri de Mangin se donnait à l’endroit mûr. Il ne pouvait donc, un instant, « être question en aucune façon de ralentir, à plus forte raison d’arrêter les préparatifs de Mangin, » écrivait-il dès le 15, à midi. A cette heure décisive, le grand chef se sentait une acuité de vue qui donnait à ses ordres une fermeté singulière. Non seulement Mangin allait attaquer en forces au Nord de l’Ourcq, mais deux autres armées prendraient en même temps l’offensive, Degoutte entre Ourcq et Marne, Mitry au delà de la rivière, si bien que l’ennemi bousculé au Nord-Ouest serait